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LA VIE DE JÉSUS

dre dans une foule !… Non, un pareil idiotisme dépasse toutes bornes !… Par ta faute, le genre humain n’a pas été sauvé, vu qu’on n’a jamais pu retrouver mon Messie… Et tu crois que je peux digérer cela ?… Fichu imbécile, ta négligence est un crime qui mérite un châtiment exemplaire !… Je te condamne à trois éternités d’enfer, Joseph ; tu ne les as pas volées !

Le malheureux charpentier se demandait à tout instant s’il ne rêvait pas, tant son infortune lui paraissait trop grande pour être possible. Deux fois par heure, il défaisait une de ses malles pour voir si le petit Jésus ne s’était pas caché à l’intérieur, histoire de rire.

Quant à Marie, elle était atterrée. Elle eût préféré les souffrances de mille morts à l’inquiétude qui la tourmentait.

Ces recherches infructueuses durèrent trois jours (Luc, chap. ii, verset 46) ; au troisième jour seulement, ils rencontrèrent l’enfant, « assis dans le Temple au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant, et tous ceux qui l’entendaient étaient ravis en admiration de sa sagesse et de ses réponses. »

Il paraît que le gamin était épatant. Il était entré là, dans le Temple, avec un aplomb imperturbable, comme s’il avait été chez lui. Il avait d’abord posé des questions aux plus forts des maîtres en théologie, et il s’amusait à leur river leur clou.

Cependant, les docteurs du Temple n’étaient pas peu malins. Il y avait là tout le haut clergé israélite : « Hillel, révéré à l’égal de Moïse, et gardant encore toute la majesté de la vieillesse ; l’inflexible Shammaï, enchaînant tout ce que déliait Hillel ; Jonathas, fils d’Uziel, dont la parole était si ardente que les oiseaux se brûlaient en passant sur sa tête, ou se transformaient en séraphins[1]. À leurs côtés, les parents de Jésus purent voir encore Rabban Siméon, le même qui avait prophétisé lors de la cérémonie de la Purification, et Joseph d’Arimathie, qui était sénateur. »

Et le petit Jésus émerveillait tout ce monde-là ; il embrouillait et débrouillait les problèmes théologiques à sa guise. Tous avaient fini par prendre le parti de se taire ; Jésus tenait le crachoir, et ils l’écoutaient bouche béante.

« Toutefois l’étonnement où cette scène jeta Marie ne put lui faire oublier tout ce qu’elle venait de souffrir, et de son cœur s’exhalèrent des reproches. »

— Eh bien, qu’est-ce donc que cela, petit polisson ? Vous vous échappez de votre famille, et, pendant que votre père et moi nous vous cherchons tout affligés, vous êtes en ce lieu à faire de l’esprit ! Allons, allons, monsieur le vagabond, rentrez au logis, et du leste !

Jésus, qui n’était pas embarrassé pour répondre, répliqua en se campant avec un petit air de suffisance :

— « Hé ! pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas

  1. Mishma, Soucca, 28 ; Baba-Batra, 134.