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LA VIE DE JÉSUS

L’abbé Fouard, auteur d’une Vie de Jésus approuvée par le cardinal de Bonnechose, en donne sa langue aux chiens.

« Jésus, dit-il, puisqu’il a été enfant, a-t-il été soumis aux lents progrès de l’âge ? Il y a là, nous l’avouons, une impénétrable difficulté, et mieux vaut abaisser notre esprit que de nous entêter à la résoudre. Nous croyons d’une ferme foi que Jésus est le fils de Dieu, Dieu comme son père, et, à ce titre, infiniment sage et infiniment grand ; d’un autre côté, nous lisons dans l’Évangile que Jésus a été enfant, qu’il a crû en âge, en grâce, en sagesse. Ni l’une ni l’autre de ces vérités ne doit être niée ou altérée ; quant à la manière de les concilier, elle nous échappe ; mais il n’en peut être autrement sans que l’Incarnation cesse d’être ce que Dieu a voulu qu’elle fût, un mystère qui surpasse notre raison sans la contredire. »

Cet abbé a vraiment tort de se faire tant de bile.

Qu’importe, après tout, que le fils de Marie et du pigeon ait eu toute son intelligence divine dès le moment où il exista ne fût-ce qu’à l’état de simple embryon, ou bien que toutes les facultés de son esprit n’aient été parfaites qu’au jour où ses organes furent complètement développés.

Pour mieux s’humilier, monsieur Dieu fils a tenu à ne pas savoir ce qu’il disait avant l’époque ordinaire, comme il serait devenu un bon dieu gâteux s’il était mort de vieillesse.

Ce qui eût été déplorable, c’est si son intelligence ne s’était jamais éveillée, et s’il était demeuré un cancre pendant toute la durée de ses précieux jours. Pauvre religion chrétienne ! elle est déjà remplie de pas mal d’absurdités, pour avoir été fondée par un Dieu qui avait grandi en âge et en sagesse ; pensez un peu ce qu’elle serait, si son fondateur avait grandi en âge et en crétinisme !

Heureusement, il n’en a pas été ainsi.

Le petit Jésus a été soumis à tous les embarras que comporte la nature humaine ; mais il a eu du moins la chance d’être très précoce.

Il eût pu savoir lire tout d’un coup, sans avoir jamais appris ; cela se serait fait, s’il l’avait voulu. Il préféra ne pas le vouloir et commencer son instruction comme tout le monde, par le B-A-BA.

Ce fut sa mère qui lui donna ses premières leçons ; elle lui apprit à lire dans la Bible. « Or, disent les théologiens catholiques, le livre saint ne parlait que de lui, et Marie savait qui il était ; de sorte que, chargée du devoir de l’instruire, elle n’oublia jamais celui de l’adorer ».

Je me représente volontiers cette éducation en partie double : elle a un aspect réellement joyeux.

La maman. — Jésus, récitez-moi votre leçon,

Le petit. — Maman, je me suis levé tard ce matin, et je n’ai pas eu le temps de l’apprendre.

La maman. — Montrez-moi alors vos devoirs.