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LA VIE DE JÉSUS

une seule personne chez les Juifs, à n’importe quelle époque ; mais Luc commet cette erreur à propos de la prédication de Jean-Baptiste, et, pour la passion du Christ, il ne parle plus que d’un seul grand-prêtre, qu’au surplus il ne nomma pas ; selon Jean, le Messie est trimballé par les soldats juifs du jardin des Oliviers chez Anne, nullement grand-prêtre aux yeux de cet évangéliste, mais seulement beau-père du grand-prêtre Caïphe ; Anne fait lier Jésus solidement et l’envoie à Caïphe, qui ne l’interroge pas, ne le condamne pas, et se borne purement et simplement à le réexpédier à Pilate, lequel, selon Jean, ne se lave pas du tout les mains (version de Matthieu seul), mais au contraire le juge « à son tribunal de Gabbatha » et le condamne finalement, par peur d’être dénoncé lui-même à Tibère César.

Maintenant, à ces quatre légendes contradictoires, opposons la vérité historique, puisque la chronologie des grands-prêtres de Jérusalem a été conservée par les écrivains contemporains des premiers Césars ; les historiens, du moins, ne se contredisent pas, eux, et leurs écrits sont basés sur les documents officiels de leur époque. Ananus, dont l’Évangile a fait Anne dans les traductions françaises, fut nommé grand-prêtre l’année qui suivit la déposition d’Archélaüs et le remplacement du roi de Judée par un procurateur, c’est-à-dire en l’an 7 de l’ère vulgaire ; il était le 19e grand-prêtre, depuis le sacerdoce de Judas Macchabée, et il succédait au grand-prêtre Jésus, fils de Siah. De l’an 7 à l’an 18, le souverain pontificat juif fut exercé successivement par trois grands-prêtres : Ismaël, fils de Phabi ; Éléazar, fils d’Ananus (décédé) ; Simon, fils de Gamith. En l’an 19, fut nommé à cette dignité Joseph, de la famille de Jaddus, et le grand-prêtre Joseph garda sa charge dix-huit ans, jusqu’à sa mort (an 36), soit trois années après le prétendu crucifiement du Christ, et il eut pour successeur Jonathas, de la famille d’Ananus. Ainsi, le grand-prêtre en fonctions au temps de Pilate se nommait Joseph, et non Caïphe, et il n’y a pas eu un seul Caïphe parmi tous les grands-prêtres, depuis l’origine de l’institution jusqu’au 79e et dernier, Phanaïas, fils de Samuel, qui vit la prise de Jérusalem et la destruction du Temple.

Qu’il y ait eu, au temps d’Auguste et de Tibère, quelqu’un s’intitulant Messie, cela ne fait aucun doute ; le patriotisme juif, surtout dans les classes populaires, n’admettait ni la conquête romaine, ni une royauté exercée par les princes asmonéens de la dynastie des Hérode, qui étaient étrangers à leur race, issus de l’Idumée, vaste région de la Palestine méridionale.

Il y en eut même plusieurs, de ces Messies, chacun se disant envoyé de Dieu comme libérateur de la nation opprimée, et devant donner au peuple d’Israël la suprématie prédite par les prophètes. Le Messie Theudas, notamment, entraîna un assez grand nombre de ses concitoyens, dans la quatrième année du règne de l’empereur Claude (onze ans après la prétendue mort