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LA VIE DE JÉSUS

— Comment ça ?

— Dame ! si son pouvoir est immense, s’il est prophète et s’il s’est engagé sur l’honneur à ressusciter, à cette heure il doit être vivant comme vous et moi.

Là-dessus, l’inconnu, pour leur démontrer que, lui aussi, il connaissait les prophéties, se mit à leur interpréter divers passages de la Bible.

On était arrivé à Emmaüs. L’inconnu prétendit avoir à aller plus loin.

— Oh ! firent les disciples, vous êtes un trop charmant compagnon de route, pour que nous vous laissions partir comme ça… Vous allez nous faire l’amitié de casser une croûte à l’auberge avec nous, et vous ne vous remettrez en route que demain matin ; car voilà que la nuit s’approche et les chemins ne sont plus sûrs.

Le voyageur accepta à dîner. On causa longuement encore tout en boulottant. Quand on en fut au dessert, l’inconnu dit :

— Vous avez parler de casser une croûte ; eh bien, regardez bien ce que je vais faire.

Les autres s’arrêtèrent de manger, un peu intrigués. L’inconnu — en qui nous avons tous reconnu Jésus, nous autres, impies, qui n’avons cependant pas la foi des apôtres, — prit un morceau de pain et renouvela la comédie du jeudi précédent : il bénit ce pain, le rompit et le leur donna à avaler comme étant son corps. Il n’en fallait pas davantage pour dessiller les yeux des deux disciples.

— Jésus ! s’écrièrent-ils, et ils allaient se jeter à genoux pour l’adorer.

Mais crac ! — ni vu ni connu, je t’embrouille, — le patron avait disparu tout net.

On pense si ces deux bonshommes s’en voulurent de ne pas avoir reconnu le Christ tout de suite. Ils reprirent illico leurs valises et coururent à Jérusalem, pour annoncer la bonne nouvelle aux camarades.

— Que je suis bête ! disait Cléophas en chemin. J’aurais dû m’en douter : pendant qu’il causait avec nous, mon cœur était bouillant comme un pot-au-feu en pleine cuisson.

— Et moi donc ! c’était de la lave de volcan qui circulait dans mes veines.

— Nous sommes deux imbéciles, voilà le fin mot.

— C’est vrai.

Et ils trouvaient, après coup, des tas d’indices qui auraient dû leur faire comprendre quel était l’inconnu. Arrivés au cénacle, ils firent leur rapport aux apôtres[1] qui en demeurèrent

  1. Encore ici une contradiction flagrante des évangiles.

    Selon Marc et Luc, les apôtres étaient au complet, et Thomas, présent à l’apparition faite par Jésus au moment les deux disciples d’Emmaüs racontaient leur aventure, n’a jamais témoigné cette incrédulité spéciale dont on lui a fait une réputation. Selon Jean, l’apparition aux disciples d’Emmaüs n’existe pas, Jésus, après s’être montré en jardi-