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LA VIE DE JÉSUS

pas mis mon doigt dans les trous de ses mains, et de son flanc, je ne croirai pas qu’il a cessé d’être mort.

Les disciples engagèrent la Magdeleine à se calmer ; après avoir ri, ils eurent pitié d’elle.

— Pauvre fille ! pensaient-ils, elle l’aimait tant !… C’est son trépas si regrettable et si prématuré qui lui a bouleversé les idées… Elle a pris le jardinier du sénateur Joseph pour Jésus… Enfin, espérons qu’avec le temps cela lui passera…

Deux anciens compagnons du Christ, des disciples de second ordre, avaient à se rendre ce jour-là à Emmaüs, petite bourgade située à deux heures de Jérusalem. Comme ils étaient en route, ils causaient de toutes ces choses, et voilà qu’un voyageur vint se joindre à eux et se mêler à la conversation.

— De quoi vous entretenez-vous donc ainsi en marchant ? leur demanda-t-il ; et d’où vient que vous êtes si tristes ? L’un d’eux, Cléophas, lui dit :

— Pour le coup ! vous êtes donc si étranger à Jérusalem, que vous ne sachiez pas ce qui s’est passé ces jours-ci ?

— Et quoi ? fit l’inconnu avec de grands yeux étonnés.

— Diable ! vous êtes seul à ignorer l’histoire de Jésus de Nazareth !…

— Vous m’obligeriez beaucoup en me racontant cette histoire.

— Apprenez alors que Jésus, quoique fils d’un charpentier et charpentier lui-même, était un grand prophète d’une puissance considérable ; il a passé trois ans de sa vie à épater le peuple par ses prodiges. Les princes des prêtres et nos sénateurs ont été jaloux de son influence ; ils l’ont coffré et ils l’ont pendu…

— C’est bien malheureux, en effet.

— Attendez… Ce qui est encore plus navrant, c’est qu’il s’était engagé à ressusciter au bout de trois jours… Or, voici le troisième jour depuis sa mort, et ni ses apôtres ni nous ne l’avons aperçu… À la vérité, il y a Pierre et Jean, deux de mes amis, qui sont allés à son sépulcre et qui l’ont trouvé vide ; mais ce sont les pharisiens qui ont dû filouter le corps. Il y a aussi sa maîtresse qui prétend l’avoir vu déguisé en jardinier ; mais c’est là certainement un effet de l’imagination en délire d’une amoureuse désespérée… Aussi, vous comprenez que nous, qui avons connu Jésus, nous soyons très ennuyés.

— Ah ! vous l’avez connu ?

— Oui, et même c’était un bon zig, pas bégueule, ayant toujours le petit mot pour rire… Pauvre garçon !

— Et vous pensez qu’il était réellement prophète ?

— Tout ce qu’il y a de plus prophète.

— Et que son pouvoir était immense ?

— Tout ce qu’il y a de plus immense.

— Alors, permettez-moi de vous dire que vous êtes de jolis benêts.