Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/348

Cette page a été validée par deux contributeurs.
346
LA VIE DE JÉSUS

puisqu’il est convenu, selon eux, que nous avons une âme qui peut avoir sa vie propre, tout en étant séparée de notre corps. L’âme de Jésus, après avoir quitté son enveloppe terrestre (style spiritualiste), était descendue aux enfers, — comme Orphée.

Là, elle avait trouvé, disent les théologiens catholiques, toutes les âmes des individus morts depuis le commencement du monde. — Ces charmants théologiens oublient qu’il n’y a pas une demi-heure ils nous affirmaient qu’à la mort de Jésus il y avait eu une résurrection générale sur toute la surface du globe. Mais ne soyons pas cruel : ne reprochons pas trop au clergé ses incessantes contradictions ; elles excitent plus notre rire que notre colère[1]. — Donc, l’âme de Jésus alla rendre visite aux âmes qui se lamentaient dans les enfers, attendant sa venue. Ces enfers sont appelés « limbes » par la presque unanimité des commentateurs. Il y avait là, au premier rang, les âmes des patriarches, des prophètes et toute la sainte boutique d’Israël.

L’arrivée de l’âme de Jésus fut saluée d’acclamations enthousiastes par les autres âmes. On lui fit une vraie fête.

En haut, on pleurait ce trépas ; en bas, on s’en réjouissait à tire-larigot.

— Ce bon Jésus ! Comme il est charmant ! C’est pour nous qu’il vient de mourir ! Il nous sauve par les souffrances qu’il a endurées !

La veuve Judith — celle qui assassina Holopherne pour plaire au père Jéhovah — était surtout dans une joie, mais dans une joie… Vous allez comprendre cela :

Elle avait toutes les vertus, nous dit la Bible ; nulle vierge n’était aussi digne qu’elle d’habiter le paradis : mais, à cause de ce coquin de péché originel, elle ne pouvait y pénétrer ; tout comme Abraham, Moïse, David, Jacob et tutti quanti, elle était obligée d’attendre la rédemption pour sortir des limbes.

Aussi son âme ne pouvait-elle se lasser d’embrasser l’âme de Jésus ; baisers pudiques, cela va de soi ; des embrassements entre âmes ne sauraient blesser la décence.

Elle disait à Jésus :

— Est-il gentil, ce Rédempteur !

Et Jésus lui répondait :

— Ma chère âme !

Bref, on ne peut pas se faire une idée de l’allégresse qui régna dans les limbes ce jour-là.

On demandait au Christ des nouvelles de sa passion, tout comme entre amateurs de musique on cause d’une première représentation d’opéra.

— Il paraît que vous avez été fessé ? interrogeait l’âme de Gédéon.

  1. La résurrection des morts, aussitôt après le dernier soupir du Crucifié, est un article de foi, la descente de Jésus aux enfers, pour délivrer les âmes de ces mêmes morts, est aussi un article de foi. Et des imbéciles croient, tout ensemble, à ces deux dogmes contradictoires.