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LA VIE DE JÉSUS

CHAPITRE LXV

CONSOMMATUM EST !

Zélés fidèles, âmes ferventes, brebis eucharistiques, voici le moment de sangloter. Oui, le doux agneau qui s’est offert pour effacer à tout jamais cet horrible péché originel causé par la pomme de l’Éden, ce fils d’un pigeon blanc et d’une vierge est accroché à sa potence ; il commence à sortir de sa torpeur, et il se fait des réflexions plus amères que le contenu du calice de Gethsémani.

Il se dit que le vieux Sabaoth, qui est aussi son père (on ne sait pas comment, par exemple), lui a peut-être joué le tour de le laisser se faire pendre à une croix, sans que ce sacrifice aboutisse au moindre résultat.

Raisonnons un instant avec le seigneur Jésus.

Il s’agit, n’est-ce pas ? d’une tache qui noircit notre âme et que nous apportons tous en naissant. Avant le crucifiement du Christ, les hommes, ayant l’âme noire dès le sortir des entrailles maternelles, étaient condamnés à ne pouvoir entrer dans le ciel. V’lan ! le Verbe se fait chair, s’offre le luxe d’une pendaison au Calvaire, et, dès lors, le péché originel disparaît de l’humanité ; pas plus de tache sur les âmes des bébés que si Adam et Ève n’avaient jamais croqué la pomme. — Voilà du moins ce que vous vous dites, vous autres, lecteurs impies. — Eh bien, ce n’est pas cela du tout. L’humanité n’est pas plus avancée après la croix qu’avant ; la tache originelle subsiste sur les âmes des bébés, tout comme si le Christ ne s’était pas fait pendre.

En effet, que nous enseigne le catéchisme ?

Que sans le baptême nous ne pouvons pas entrer au ciel. — C’est donc le baptême, invention de Jean-Baptiste rééditée par Jésus, qui efface la fameuse tache noire.

À cette objection, les curés répondent :

— Oui ; mais, si l’agneau n’avait pas été pendu et cloué à une croix, le baptême n’aurait aucune efficacité.

Très bien, monsieur l’abbé ; mais alors, ne venez plus nous conter, d’autre part, que Jésus est mort pour l’humanité tout entière. La réalité, — d’après votre légende, s’entend, — est qu’il s’est fait crucifier uniquement et exclusivement pour les particuliers qui auront la chance de rencontrer dans leur existence quelqu’un qui leur versera de l’eau sur le front.

Si bien qu’un malheureux moutard, qui naîtra et mourra aussitôt, sans que personne ait eu le temps de le baptiser, sera