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LA VIE DE JÉSUS

de Nazareth, qui était en même temps dieu, qui avait sa nature divine à sa disposition pour ne rien endurer si ses souffrances avaient excédé les forces humaines, souffrit donc moins que les martyrs de la libre-pensée, tourmentés par les prêtres catholiques.

Mais nous ne répondrons pas cela aux curés modernes. Nous leur dirons simplement, les Évangiles en main, que c’est leur imagination qui leur a fait voir leur Christ flagellé, comme ils le racontent, jusqu’au sang, jusqu’au déchirement des chairs.

Évangile de Matthieu (XXVII, 26) : « Alors Pilate leur délivra Barabbas, et, ayant fait fouetter Jésus, il le remit entre leurs mains. »

Évangile de Marc, XV, 15) : « Enfin, Pilate, voulant satisfaire le peuple, leur délivra Barabbas, et, ayant fait fouetter Jésus, il le remit entre leurs mains. »

Luc est absolument muet sur cet incident.

Évangile de Jean (XIX, i) ; « Pilate prit donc Jésus et le fit fouetter. »

Ce supplice célèbre, dont la narration fait tant gémir de sensibles dévotes lors des sermons de la semaine sainte, se trouve donc réduit aux proportions d’une fessée. Il ressort, du reste, du récit même des évangélistes, que, si la populace de Jérusalem et les prêtres juifs voulaient la mort de Jésus, d’autre part les soldats se sont bornés à des grossièretés, à des brutalités, surtout à des moqueries, et qu’ils ne se sont pas livrés à des raffinements de barbarie ; quatre claques sur le derrière, en marque de mépris, voilà quelle a été toute la flagellation.

Et Pilate, afin d’englober dans sa raillerie les Israélites eux-mêmes, laissa à Jésus la robe blanche de fou dont Hérode l’avait revêtu, y ajouta un manteau de laine rouge, mit un roseau entre les mains du prisonnier, le fit coiffer d’une couronne de joncs tressés avec quelques chardons[1], et le présenta aux Juifs, ainsi accoutré, en disant :

— Voilà l’homme ! voilà votre roi !

Les soldats poussaient l’ex-charpentier sur l’estrade, et, pour le rendre plus ridicule, ils lui prenaient son roseau des mains et lui en donnaient quelques coups sur la figure.

Pilate, s’étant bien lavé les mains, dit une dernière fois au peuple :

— Je vous en préviens bien ; je ne m’oppose pas à l’exécution de cet homme, puisque vous l’avez jugé et que vous êtes unanimes à le trouver coupable de mille crimes ; mais ce n’est pas moi qui le condamne, c’est vous. S’il est innocent, que son sang retombe sur vos têtes !

— Accepté ! accepté ! clama la foule ; que son sang retombe sur nous et nos enfants !

  1. Cette fameuse couronne d’épines, c’est l’archevêque de Paris qui prétend la posséder. Elle est à Notre-Dame où on la montre, moyennant finances, c’est tout bêtement un cercle de joncs marins sans épines du tout.