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LA VIE DE JÉSUS

à chanter[1]. Par une bizarre coïncidence, Jésus, entouré des gardes qui l’avaient tant tarabusté, traversa la cour pour comparaître devant Caïphe, qui le faisait appeler une seconde fois.

En passant devant Pierre, le patron lui lança un coup d’œil plein d’éloquence. Ce coup d’œil disait :

— Hein ! Pierre, suis-je mauvais prophète ? Je t’avais prédit que tu me renierais trois fois avant le chant du coq. Écoute, le coq chante.

Simon-Caillou comprit.

Ne prenant conseil que de son désespoir, il se précipita au dehors, et, sitôt qu’il fut arrivé dans la rue, il versa un torrent de larmes qui fit déborder le ruisseau. (Matthieu, XXVI, 58-75 ; Marc, XIV, 54-72 ; Luc, XXII, 54-62 ; Jean, XVIII, 15-27.

CHAPITRE LXII

COMMENT FINIT CE COQUIN DE JUDAS

L’aurore commençait à montrer son bout de nez rose, quand Jésus parut de nouveau devant le Sanhédrin.

Caïphe et ses collègues, — sauf Nicodème, toujours muet comme un sépulcre, — avaient hâte de se débarrasser du gêneur.

Pendant qu’on recousait sa tunique fendue du haut en bas, le grand-prêtre avait pensé à une chose : c’est que depuis l’occupation romaine, la justice israélite n’avait pas le droit de prononcer des condamnations à mort ; ce droit était réservé au représentant de César.

Or, Caïphe avait un patriotisme particulier : il estimait que Jésus, ne fût-il pas un vaurien de la pire espèce, constituait un danger de premier ordre pour ses concitoyens. Avec sa manie de se proclamer roi des Juifs, il pouvait, un jour ou l’autre, entraîner une certaine quantité de badauds, et qui sait si cette révolte ne serait pas pour les Romains un prétexte de massacre et de nouveau tribut à imposer ?

— Condamnons d’abord notre prisonnier, puisqu’il est coupable d’innombrables infractions à la loi, se disait-il : de cette façon, nous démontrerons bien aux autorités romaines que nous

  1. Les esprits forts, qui connaissent à fond l’histoire et les coutumes de la Judée, trouvent bien extraordinaire cet incident du coq. En effet, une défense religieusement observée interdisait de nourrir des coqs dans l’enceinte de Jérusalem. On craignait, nous apprend la glose du Baba-Kamma (VII, 7), que ces volatiles, habitués à chercher leur nourriture dans les fumiers, ne souillassent des objets sacrés. Il est donc fort étonnant que, le coq étant un animal interdit à Jérusalem, il se trouvât un poulailler quelconque dans le palais même des grands-prêtres. Cette inconséquence de l’Évangile est à rapprocher de la légende du troupeau de cochons, autres animaux interdits, dans lesquels Jésus envoya une légion de diables à Gergésa.