— Où ça ?
— Avec Jésus de Nazareth.
Pierre haussa les épaules.
— Vous ne savez pas ce que vous dites, répondit-il.
— Ta, ta, ta, je n’ai pas la berlue.
— Je n’ai jamais vu, même en peinture, la personne dont vous parlez.
Et, pour bien montrer son insouciance, il se rapprocha du feu, comme si rien n’était.
La servante n’insista pas ; mais elle fit part de ses soupçons à une de ses voisines.
— En effet, observa l’autre, je me remets très bien la physionomie de ce vieux barbon ; il a une de ces binettes qui ne s’oublient pas.
Elle alla à son tour le regarder sous le nez.
Pierre, que cette manœuvre commençait à embêter, fit la grimace.
— Qu’est-ce qu’elle me veut encore, celle-là ? grogna-t-il.
— Allons ! pas tant de manières ! risposta la bonne. On vous connaît. Vous n’avez pas besoin de nier. Nous savons très bien que vous êtes un des compagnons de Jésus le Nazaréen.
Simon-Caillou s’impatientait.
— Si vous parlez sérieusement, dit-il, je vous donne un démenti formel ; si c’est une scie que vous me montez, je vous déclare que je la trouve mauvaise, et je vous engage à me ficher la paix.
— Taisez-vous, reprit la bonne, ou bien allez conter vos blagues à Plumet, le perruquier des vélites ! Nous ne sommes pas tombés de la dernière pluie, savez-vous ! On vous a vu avec votre rebouteur de patron ; ça ne vous servira à rien de dire que ce n’est pas vrai.
Il frappa du poing sur une table voisine.
— Nom de Dieu ! faut-il que ces gueuses de femmes soient têtues !… Puisque je vous déclare que non, sacrebleu ! c’est que c’est non…
Un soldat, qui avait entendu la discussion, intervint :
— Tu n’es donc pas de ces gens-là ? lui demanda-t-il… Sérieusement ?
— Sérieusement, non.
Cette fois, on le laissa se chauffer en toute tranquillité pendant une bonne heure.
Le malheur pour lui fut que, croyant avoir dérouté les soupçons, il se mêla à la conversation, il se mit à glisser des mots spirituels, enfin il jacassa tant et si bien qu’un soldat s’écria :
— Mille tonnerres ! mais oui, il est de la bande à Jésus !… Ne fais plus le malin, mon vieux ; ton accent le trahit ; tu es galiléen.
— Attendez-donc ! ajouta un serviteur du grand-prêtre venant à la rescousse. Tu es si bien un disciple du charpentier de Naza-