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LA VIE DE JÉSUS

particulier, qui d’un souffle les flanquait à bas, ne leur paraissait pas commode à empoigner.

Jésus reprit :

— Puisque c’est moi que vous cherchez, laissez mes camarades se retirer.

Les gardes ne voyaient aucun inconvénient à cela.

Alors, Judas, qui avait promis d’embrasser Jésus et qui tenait à exécuter son engagement, bien qu’une telle caresse fût désormais inutile, s’avança.

— Patron, fit-il.

— Ah ! c’est toi ?

— Oui, patron, je viens vous saluer.

Et, en guise de salut, il l’embrassa. Ce baiser de Judas était, on l’avouera, de la moutarde après dîner ; il n’avait plus aucune raison d’être. Jésus le subit, et dit au traître :

— Mon ami, entre nous je sais parfaitement à quoi m’en tenir sur tes embrassades. Je ne me trompe pas, vois-tu, sur le motif qui t’amène ici ; je ne t’en fais pas mon compliment. Livrer le Fils de l’Homme par un baiser, tu sais, ce n’est pas chic !

Cependant, les soldats avaient remarqué que Judas, qui était le plus sans-gêne d’eux tous, n’avait pas été renversé, ni avant ni après son embrassade. Ils opinèrent, avec juste raison, qu’il n’y avait plus rien à craindre. Ils se précipitèrent donc vers le dieu-homme, dont la puissance cessait brusquement de se manifester.

Nous savons que les apôtres avaient, à eux onze, deux épées. Pierre en possédait une.

— Faut-il cogner ? demanda le propriétaire de l’autre.

Avant que Jésus eût eu le temps de répondre, Simon-Caillou faisait usage de la sienne. Il tomba sur un des serviteurs du grand-prêtre, qui se trouvait là, et, de son coupe-chou, lui trancha l’oreille.

L’Évangile a conservé le nom de cette victime : ce domestique à l’oreille coupée s’appelait Malchus.

Cet acte sanglant de résistance aurait pu donner lieu à des complications. Les soldats, furieux de voir un de leurs compagnons mutilé, se seraient sans doute jetés sur les apôtres et les auraient promptement mis en marmelade ; heureusement, Jésus calma tout ce monde. Si quelques minutes auparavant il avait eu des attaques de nerfs pour cause de trop vive frayeur, maintenant il avait retrouvé son sang-froid des grands jours.

Il vint à Malchus, ramassa son oreille qui était par terre, cracha sur le cartilage et le rappliqua sur la tête de l’infortuné. Ô miracle ! ô divin crachat à la colle forte ! l’oreille se souda à sa place, et, depuis ce jour-là, elle fut plus solide que jamais.

Selon l’Évangile, Malchus, ingrat comme il n’est pas permis de l’être, ne dit seulement pas merci au Christ. Celui-ci, se tournant vers Pierre, lui adressa quelques paroles de remontrances :