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LA VIE DE JÉSUS

— Béni soit le Seigneur qui a créé le fruit de la vigne !

Puis, il buvait quelques gouttes et passait la coupe à son voisin ; elle circulait aussi parmi les invités, et le dernier devait vider tout ce que les autres lui avaient laissé. S’il venait après des convives baveux, tant pis pour lui ! il n’avait pas le droit de faire la grimace.

Après quoi, les domestiques du logis présentaient à chacun, à tour de rôle, un bassin plein d’eau et une serviette, et on se lavait les mains.

Ces ablutions terminées, on approchait la table au milieu des convives. On servait ensuite l’agneau avec ses herbes amères, lesquelles avaient pour but de figurer les amertumes de l’exil en Égypte. Quant au pain sans levain, il avait aussi sa signification : il rappelait que les Hébreux, lorsqu’ils firent précipitamment leurs paquets pour fuir le royaume des Pharaons, avaient pétri leur farine sans prendre le temps de laisser fermenter du levain. Il y avait encore un mets symbolique, qu’on nommait le « charoseth » ; c’était un mélange de pommes, de figues et de citrons cuits dans du vinaigre ; à l’aide de cannelle et d’autres épices, on lui donnait une teinte de brique. C’était mauvais comme tout : mais cela rappelait, par la couleur du moins, les travaux de maçonnerie que les contemporains de Moïse avaient été obligés de faire pour le compte du roi d’Égypte.

Notez que l’on ne mangeait pas ces mets les uns après les autres. Le père de famille mêlait ensemble le charoseth et les herbes amères, adressait à Dieu des actions de grâce, le remerciait en termes émus d’avoir créé les biens de la terre, et tous devaient manger de ce fricot extravagant au moins la grosseur d’une olive.

Ensuite, on buvait un coup, et le plus jeune de la société disait au plus vieux :

— Grand-père, qu’est-ce que cela signifie, tout ce que nous mangeons aujourd’hui ?

Le grand-père, alors, donnant à sa réponse une forme solennelle, fourrait ses pattes dans le plat, élevait successivement aux yeux de tous un peu de chacune des choses qui composaient cet amalgame, et rappelait les souvenirs qui s’y attachaient : notamment l’agneau qui, en Égypte, avait été immolé pour apaiser le courroux du ciel.

Tout le monde criait : — Alléluia ! Alléluia ! Le vieux chantait :

— Ô mer, pourquoi fuis-tu ? et toi, Jourdain, pourquoi remontes-tu en arrière ? Montagnes, pourquoi bondissez-vous comme des chevreaux, et vous, collines, comme de jeunes brebis ?

Et on buvait encore quelques rasades. À la quatrième rasade, le repas était déclaré fini.

Comme on le voit, le festin de la Pâque était assez original.

Jésus avait convoqué ses disciples, et il désirait vivement cé-