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LA VIE DE JÉSUS

des Romains ; le déclarer légitime, c’était, en flattant les conquérants, révolter le patriotisme des Juifs.

Toutefois, Jésus vit immédiatement la malice.

— Mes petits, fit-il, il faut être plus fin que vous pour me pincer. Apportez-moi l’argent dont on se sert pour payer le tribut.

L’un des assistants présenta un denier.

— De qui est cette image et cette inscription ? demanda Jésus.

— De César, répondit tout le monde.

— Rendez donc à César ce qui est à César, et rendez à Dieu ce qui est à Dieu.

À renard, renard et demi. Le Verbe avait éludé la question ; sa réponse était on ne peut plus évasive, mais elle était en même temps une phrase à effet : aussi, fut-elle vivement applaudie par la masse ignorante, qui à toute époque s’est laissée prendre aux mots.

Après les hérodiens, vinrent les saducéens, autre secte juive. Ils lui posèrent la question suivante :

— Un de nous avait six frères. Il se maria et mourut avant sa femme. Celle-ci épousa un des frères du défunt. Ce second mari trépassa à son tour. Madame la veuve épousa le troisième frère ; puis, pour le même motif, le quatrième, et ainsi de suite, toute la famille y passa. Or donc, lorsque tout le monde ressuscitera, duquel des six frères cette femme sera-t-elle l’épouse ?

Jésus répondit :

— Quand tout le monde ressuscitera, les hommes n’auront point de femmes, les femmes n’auront point de maris ; tous seront comme les anges dans le ciel. Par conséquent, la difficulté que vous pensiez voir n’existera pas.

Un scribe vint à la rescousse :

— Maître, puisque vous êtes en train de résoudre des problèmes théologiques, permettez-moi de vous demander quel est le plus important commandement de la loi de Moïse.

— C’est, dit Jésus, le premier du Décalogue : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute la pensée et de toutes tes forces. » Mais il y a un second commandement qui est aussi important que le premier ; c’est celui-ci : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

— Bravo ! fit le scribe ; vous avez très bien répondu.

Ce scribe, sans aucun doute, n’avait pas pour but, comme les pharisiens, les hérodiens et les saducéens, d’embarrasser le Verbe ; mais, à ce moment, Jésus était fatigué de toutes ces questions perfides. Il en avait par dessus la tête.

Il se tourna donc vers le peuple et fit une charge à fond sur ses ennemis. Toutes les injures qui lui vinrent à la pensée, il les appliqua aux pharisiens : il les traîna dans la boue, les mit plus bas que terre ; il les appela « mangeurs de maisons », « filtreurs d’eau », « sépulcres blanchis, pleins d’ossements et de