Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/280

Cette page a été validée par deux contributeurs.
278
LA VIE DE JÉSUS

Jésus laissa échapper une exclamation de dépit.

— Au moins, peut-on s’en procurer ? ajouta-t-il.

— Par ici ?… Cela nous semble bien douteux.

— C’est bon. Je m’en vais voir sur la route si je ne trouverai pas quelque fruit sauvage.

Et le voilà qui part avec deux de ses fidèles compagnons.

Les jardins des villas appartenant aux richards de Jérusalem bordaient le chemin. Quelques arbres tendaient leurs branches au-dessus des murs des propriétés. Il est bon de savoir que, d’après la coutume juive, tout voyageur avait le droit, pour apaiser sa faim, de cueillir les fruits placés sur le bord de la route, du moment que les branches qui les portaient passaient au-delà des murs de clôture.

Le premier arbre que Jésus aperçut était un superbe figuier. Le Seigneur, affamé, se précipita vers lui. Il écarta les feuilles, chercha des figues ; va te promener ! il n’y avait pas plus de figues que sur ma main.

Le Verbe — nous avons eu l’occasion de nous en convaincre — n’avait pas précisément bon caractère.

Ne trouvant aucune figue sur un si beau figuier, il se fâcha tout rouge. Il apostropha l’arbre avec colère et le maudit dans toutes les règles de l’art. Le figuier en fut très mortifié, et sur l’heure il commença à se dessécher.

Entre nous, cette aventure démontre une fois de plus que le fils du pigeon divaguait comme un pensionnaire d’un hospice d’aliénés. D’abord, ce n’était pas la faute du figuier s’il n’avait pas de figues ; et cela était d’autant moins sa faute que ce n’était pas du tout la saison des fruits de cette espèce. On était, ne l’oublions pas, au lundi avant Pâques ; jamais, en aucun pays, les figues n’ont poussé sur les figuiers au début du printemps. Ensuite, puisque Jésus avait le pouvoir de dessécher les arbres par l’effet d’une simple malédiction, il aurait mieux fait d’user de ses facultés surnaturelles pour inviter l’infortuné et innocent figuier à se garnir instantanément de belles figues bien mûres. Jésus n’avait pas eu le temps, sans doute, de réfléchir à tout cela.

Il maudit le figuier qui n’en pouvait mais, et le figuier se flétrit. Attrape, mon vieux !

L’évangéliste Marc, qui nous raconte cette bonne histoire, mérite d’être reproduit textuellement :

« Le lendemain, dit-il, Jésus eut faim, et voyant de loin sur la route un figuier qui avait des feuilles, il y alla pour voir s’il pourrait y trouver quelque chose ; et s’en étant approché, il n’y trouva que des feuilles, car ce n’était pas le temps des figues. Alors Jésus dit au figuier : « Que jamais nul ne mange de toi aucun fruit. » (Marc, XI, 12-14.)

Le confrère Matthieu, qui relate la même aventure à peu près dans les mêmes termes, ajoute :

« Et au même moment le figuier sécha. » (Matthieu, XXI, 19.)