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LA VIE DE JÉSUS

répondrez : « C’est le plus grand docteur de la Judée qui en a besoin. » On n’insistera pas[1].

Tout se passa comme Jésus l’avait prédit. Les disciples trouvèrent dans un chemin tournant l’ânon attaché à une porte en dehors, et ils le délièrent. « Que faites-vous ? » dirent les voisins en les voyant prendre ainsi leurs aises. « Oh ! ne faites pas attention, nous agissons d’après les ordres de notre seigneur. » Notre seigneur ! ce mot ferma la bouche aux voisins, qui n’eurent plus aucune méfiance.

En filoutant de la sorte l’âne d’un villageois qui en avait très certainement plus besoin que lui, messire Alphonse Christ suivait les traditions de sa famille. On n’a pas oublié, sans doute, que, pour déguerpir en Égypte, papa Joseph enleva, avec le même sans-façon, un âne d’une étable de Bethléem.

Étant donné que le bon ami à la Magdeleine avait des principes aussi ecclésiastiques (pardon, je voulais dire : aussi élastiques), il aurait bien pu s’offrir un cheval de parade au lieu d’un ânon mesquin.

La petite troupe des admirateurs du Nazaréen jugea que l’ânon avait bien sa valeur et ne réclama pas une autre monture. On affubla l’animal d’un tas de manteaux en guise d’ornements ; la pauvre bête se laissa faire, et la marche triomphale commença. Vrai ! j’aurais voulu assister à ce spectacle ; cela devait être épatant.

Tous les gens du cortège cueillirent des feuilles de palmier, et ils marchaient en les agitant, et ils criaient : « Hosanna au fils de David ! Béni soit le roi d’Israël qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna ! Gloire au plus haut des cieux ! » Et ils beuglaient comme des perdus.

Les passants s’arrêtaient intrigués.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? interrogeaient-ils ?

— C’est le triomphe de Jésus, répondaient les apôtres en se poussant du col. Israël a, dès aujourd’hui, un nouveau roi, un roi de race juive.

— Ça, un roi ? faisaient alors les promeneurs avec une moue dédaigneuse ; je n’en voudrais pas pour raccommoder mes sandales.

En somme, le succès était maigre ; il se bornait au tapage des disciples et de la petite troupe de curieux venus à Béthanie.

On atteignit le sommet de la colline des Oliviers, d’où l’on découvrait tout Jérusalem. À l’aspect de cette ville, Jésus pleura abondamment. Les évangélistes mettent ce chagrin subit sur le compte du triste avenir que Jésus entrevoyait pour Jérusalem. Il prédit, affirment-ils, que la cité de Salomon serait à jamais détruite, et qu’il n’en resterait pas pierre sur pierre. Ce qui n’a

  1. Les évangélistes ne sont pas d’accord sur la monture de Jésus — Luc, Marc et Jean ne parlent que d’un ânon, Matthieu soutient qu’il y avait une ânesse et son ânon. — D’autre part, Matthieu, Marc et Luc avouent la filouterie du Christ ; Jean, lui, a un mot adorable. « Jésus, dit-il, ayant trouvé un ânon, monta dessus, afin d’accomplir la parole des prophètes. »