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LA VIE DE JÉSUS

Elle ne perdait aucun de ses mots, aucun de ses gestes. Elle s’avouait qu’elle n’avait jamais vu un fils des hommes aussi charmant. Elle enviait le sort de sa sœur.

— Ce sont toujours ces coquines, se disait-elle en astiquant ses casseroles, qui ont toutes les chances. C’est à vous dégoûter de rester honnête fille.

Une passion, non moins ardente que celle de Magdeleine, s’emparait de son cœur. Elle voyait avec déplaisir la préférence que Jésus témoignait à sa sœur Marie.

Lazare, un moment, descendit à la cave pour aller tirer du vin.

La Magdeleine, sultane voluptueuse, se pâmait auprès de son amant, pendant que Marthe allait et venait. Ici, il est bon de citer un pieux commentateur : « Marie était assise aux pieds de Jésus, écoutait sa parole et buvait avidement aux sources de la vie ; Marthe l’aperçut et en fut jalouse. » (Vie de Jésus, par l’abbé Fouard, tome II, page 97, citation textuelle.)

Elle ne put contenir l’expression de son dépit.

Mettant ses deux poings sur la hanche, elle apostropha sa sœur :

— Mâtin, tu es joliment fainéante, Marie ! Il me semble que tu pourrais bien me donner un coup de main pour le service, au lieu de rester là assise par terre !

Et, comme la Magdeleine ne se troublait pas, elle ajouta en s’adressant à Jésus :

— Seigneur, je vous en prie, ordonnez-lui donc de m’aider.

Le fils du pigeon lisait au fond des cœurs. Il vit ce qui se passait dans l’âme de Marthe. Ce nouvel amour qu’il venait d’allumer le flattait, et, pour mieux l’attiser, il répondit avec un sourire qui bouleversa la pauvre fille :

— Marthe, Marthe, vous avez raison de déployer votre zèle pour mon service ; mais vous avez tort de vous fâcher à propos de votre sœur. La place qu’elle occupe près de moi, c’est elle qui l’a choisie, et elle ne lui sera point ôtée.

— Attrape ! fit la Magdeleine.

Marthe aurait bien volontiers envoyé une assiette à la tête de sa sœur. Néanmoins, elle subit son affront en silence et retourna à sa cuisine en essuyant furtivement une larme[1].

Jésus fut-il cruel jusqu’au bout ?

La suite de l’Évangile semble indiquer que non.

Sans doute, après le déjeuner, le divin charpentier prit Marthe à part, et lui dit :

— Je vous ai causé de la peine tantôt, Marthe, n’est-ce pas ?

— Oh ! oui, Seigneur.

— M’aimeriez-vous donc, pour avoir été ainsi jalouse de Marie ?

— Seigneur, je vous suis toute acquise. Mon plus grand bonheur serait de mourir pour vous.

  1. Luc, chapitre X, versets 1-12.