Nous sommes plusieurs dames, dévouées à son sort, qui l’assistons de nos biens.
— Ah ! vous êtes plusieurs ?… De plus fort en plus fort !… Il a plusieurs dames, le gaillard !… Eh ! eh ! ce n’est pas tout à fait conforme à nos mœurs… Il se figure qu’il vit au temps de Salomon, ton seigneur Jésus… Et comment faites-vous pour ne pas être jalouses les unes des autres ?
La Magdeleine se redressa orgueilleusement.
— Ce sont les autres qui sont jalouses de moi, dit-elle ; je suis sa bien-aimée, je suis sa favorite… Lazare eut un sourire triste. Il considéra un instant sa sœur avec une sorte de pitié affectueuse.
— Pauvre, pauvre Marie ! dit-il.
— Que t’es bête, Lazare de me plaindre ! reprit la Magdeleine. Être la favorite, la bien-aimée de Jésus, ce n’est pas de la petite bière, sais-tu !… Jésus ce n’est pas un homme comme un autre… Ce n’est pas un homme d’abord !…
— Ce n’est pas un homme ?
— Non…
— Est-ce que par hasard ?…
— Non plus…
— Alors, je donne ma langue aux chiens.
— Je vas te le dire en confidence, puisque tu ne devines pas ce qu’il est.
Marthe, qui avait assisté assez gênée à cet entretien, fit un pas pour s’en aller.
— Où vas-tu ? demanda la Magdeleine.
— Je sors… Je comprends que, moi qui suis demoiselle, je ne dois pas entendre ce que tu vas révéler à Lazare.
La Magdeleine pouffa de rire.
— Vous n’y êtes pas, dit-elle… Vous vous imaginez que… Ah ! elle est bien bonne !… Mais non, Marthe, tu peux parfaitement tout entendre… C’est un mystère, ce que je vais vous confier ; seulement, c’est un mystère qui n’a rien de ce que vous avez cru.
Lazare et Marthe étaient tout oreilles.
— Parle donc, Marie, dirent-ils, vivement intrigués.
— Eh bien, Jésus n’est pas un homme… C’est un dieu…
Le frère et la sœur de Magdeleine poussèrent un cri.
— Un dieu ! reprit Lazare… Mais il n’y a qu’un seul dieu, qui est Jéhovah, le Jéhovah que nous adorons.
— D’accord, mais Jésus est son fils, et il est en même temps dieu… Ou, pour mieux dire, l’esprit de Jéhovah, qui est un pigeon, a engendré Jésus au moyen d’une vierge, madame Joseph, et tous les trois, Jéhovah, Jésus et le pigeon ne forment qu’un seul dieu…
— En voilà, un embrouillamini !… Est-ce Jésus qui t’a raconté cette belle histoire ?
— Pardine ! seulement je sais très bien qu’il ne m’a pas fichu