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LA VIE DE JÉSUS

ritain arriva à son tour. « Nom de Dieu ! s’écria-t-il, est-il possible qu’on ait mis ce pauvre bougre dans un pareil état ! Faut-il que les voleurs de ce pays soient de rudes canailles ! » Et, comme il avait sur lui sa pharmacie de voyage, il prit de la charpie, du baume, du vin aromatique, et pansa les plaies de l’infortuné. Puis il le mit en croupe avec lui sur son cheval, et, hue, Cocotte, il le conduisit à l’auberge voisine. Le lendemain, il tira de son porte-monnaie deux deniers, ce qui faisait deux francs, et il dit à l’aubergiste : « Soignez-moi cet homme-là ; si ces quarante sous ne vous suffisent pas, je vous donnerai encore de l’argent quand je repasserai par ici. » L’aubergiste connaissait le samaritain, et il lit crédit.

— À la bonne heure ! murmura la foule qui avait écouté l’anecdote, voilà un samaritain comme on aimerait à en rencontrer beaucoup.

Jésus se tourna vers le docteur de la loi :

— Qu’en pensez-vous collègue ? Quel est, du prêtre, du lévite et du samaritain, celui qui vous paraît le mieux avoir été le prochain du voyageur dévalisé ?

— Bien sûr, c’est le samaritain.

— Eh bien, repartit l’Oint, imitez son exemple, le premier jour que vous trouverez un malheureux dans le même cas

Le docteur ne répliqua rien ; mais en lui-même il dut se dire :

— Quelle platine il a ! Seulement, le tout n’est pas d’avoir de belles paroles au bout des lèvres. Il lui prend parfois de prêcher la vertu ; il devrait bien commencer par être vertueux dans ses actes.

À quelque temps de là, Jésus se rendit à Béthanie, pour être agréable à sa bonne amie Magdeleine, qui avait dans cette bourgade son frère et sa sœur. Son frère s’appelait Lazare, et sa sœur, Marthe.

Ces gens-là, nous apprend l’Évangile, avaient le sac. Lazare était de haute condition ; sa sœur Marie Magdeleine avait été mariée, nous le savons, à un sénateur juif. C’était donc ce qu’on est convenu d’appeler « une famille comme il faut ».

Ce fut Magdeleine qui se chargea d’annoncer à son frère et à sa sœur la venue de son amant.

Quand elle se présenta à la porte de la maison, Marthe et Lazare lui sautèrent au cou :

— Cette chère Marie, il y a si longtemps qu’on ne t’a vue !

— Et moi, donc, je puis en dire autant !

— Comment va ton mari, cet excellent Pappus ? L’as-tu laissé chez vous ? ou voyage-t-il avec toi et va-t-il venir tantôt ?

— Il s’agit bien de Pappus !… En voilà un raseur !… Il y a joliment longtemps que je l’ai envoyé à l’ours !…

— Ah bah ! vous n’êtes plus ensemble ? fit Lazare.

— Tu es divorcée ? demanda Marthe.

— Si je suis divorcée ?… je n’en sais rien… Ce que je sais, c’est que ce vieux Pappus me bassinait comme il n’est pas pos-