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LA VIE DE JÉSUS

porte et si les gens de la ville vous traitent de vagabonds et de pique-assiettes, retirez vos souliers, secouez-en la poussière, et dites : « Oh ! nous ne vous emporterons rien, messieurs, mesdames ; nous ne garderons même pas sur nous un grain de la poussière de votre cité ; mais c’est tant-pis pour elle, car du moment que l’on nous refuse à boulotter, la ville sera maudite ! »

Les disciples obéirent au patron.

Quand les bourgades virent fondre sur elles cette avalanche de parasites sans vergogne, elles se moquèrent des malédictions, et, pour subsister, toute la bande fut obligée, à maintes reprises, d’avoir recours à la caisse de Magdeleine et autres riches gadoues.

À la nouvelle des affronts reçus presque en tout lieu par ses disciples, le fils du pigeon entra dans une colère bleue :

— Malheur à toi, Chorozaïn ! cria-t-il. Malheur à toi, Bethsaïde ! Les villes païennes, comme Tyr et Sidon, se sont mieux comportées que vous à notre égard. Aussi, seront-elles bien traitées au jour du jugement dernier. Quant à toi, Capharnaüm, je te garde un chien de ma chienne ; tu me paieras cela, en t’effondrant un de ces quatre matins dans les enfers.

Il y eut cependant une humble bourgade, dont l’Évangile néglige de citer le nom, où les soixante-douze disciples furent bien reçus. Épatés de n’avoir pas été accueillis avec des trognons de choux, ils revinrent en toute hâte auprès de Jésus lui annoncer la bonne nouvelle.

L’Oint s’y rendit avec empressement et annonça à tous que, grâce à son passage, ils n’auraient plus à craindre les serpents ni les scorpions. Il débita un beau discours, promettant la vie éternelle.

Un docteur de la loi, qui se trouvait par là, demanda comment il pourrait avoir l’immortalité sans boire aucun élixir de longue vie.

— En aimant le Seigneur votre Dieu et votre prochain, répondit le Verbe.

— Et qui est mon prochain ? objecta l’autre.

— Ouvrez vos oreilles. Il y avait une fois un voyageur qui allait de Jérusalem à Jéricho. Au coin d’un bois, il fut arrêté par des voleurs qui lui enlevèrent jusqu’à sa chemise, le rossèrent abominablement et le laissèrent à moitié mort ; le corps du malheureux n’était plus qu’une plaie. Dans la même journée, un prêtre passa par là ; il vit l’infortuné voyageur, dit : « Tiens, en voilà un qui a reçu une fameuse trempe ! » et il fila sans plus s’inquiéter du pauvre bougre. Les prêtres, c’est connu, ça n’a pas du cœur pour deux sous. Vint ensuite un lévite (un sacristain) ; sacristain ou curé, c’est la même clique ; le lévite regarda le malheureux, fit les mêmes réflexions que le prêtre, et continua sa route. Heureusement, il n’y a pas sur terre que des sacristains et des curés ; il y a aussi des samaritains. Un sama-