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LA VIE DE JÉSUS

pour se rendre à l’endroit indiqué. Une heure après, ils ramenaient deux vieux cassés qui tremblaient comme des feuilles, heureux d’apprendre que leur fils avait été guéri, mais profondément mortifiés d’être traduits devant les princes des prêtres. Ces deux pauvres vieux, le père et la mère de l’aveugle, se faisaient un sang de peste. Allait-on les fourrer en prison parce que leur fils n’était plus aveugle ?

— Approchez, dit le président du conseil, d’une voix grave.

— Grâce, grâce, mon bon monsieur, firent les deux vieillards en se jetant à genoux, nous n’avons causé de mal à personne ! Ce n’est pas notre faute si notre fils n’est plus aveugle. Pardonnez-lui, il n’y reviendra plus, ne nous envoyez pas à l’échafaud !

On les releva ; mais on eut beaucoup de peine à leur donner un peu de confiance.

— Il s’agit simplement de donner un témoignage, reprit le président ; on vous laissera tranquilles, si vous dites bien la vérité. Ainsi, éclairez-nous et n’ayez aucune crainte.

— La vérité, notre juge ?… Mais nous préférerions mourir mille fois que de dire un seul mensonge !…

Les sanhédrites examinèrent les deux vieux ; ils avaient de bonnes têtes ; ce n’étaient certes pas des têtes comme les leurs qui pouvaient mentir.

— Est-ce bien là votre fils ? interrogea le président.

— À qui le demandez-vous ! répondit la vieille maman. Un enfant que j’ai fait moi-même ! que j’ai nourri de mon lait ! que j’ai sevré à dix-huit mois ! que j’ai…

— Bien, bien, cela suffit ; et est-il réellement né aveugle ?

— Hélas ! notre juge, dit le vieux papa, il n’a jamais vu goutte ; ç’a toujours été un bien grand malheur pour nous et pour lui… Et notez que nous n’avons jamais su d’où ça venait… Mon bisaïeul, à moi, était manchot ; mais, dans notre famille, il n’y avait jamais eu d’aveugle.

— Vous jurez que vous venez de dire la vérité ?

Les deux vieux éclatèrent :

— Si nous le jurons !… mais par tout ce que nous avons de plus sacré !… Par la Bible ! par les cendres de nos parents qui sont morts ! par nos têtes ! par le respect que nous portons à notre sainte religion !…

— C’est bien. Un dernier mot : comment votre fils a-t-il été guéri de sa cécité ?

— Ah ! notre juge, pour cela, nous en avons reçu tout à l’heure la première nouvelle par vos gardes que vous nous avez envoyés. On nous a dit : « Votre fils n’est plus aveugle ». Nous avons sauté de joie. Mais le caporal a ajouté : « On l’a arrêté pour ça. » Alors, nous avons pleuré de douleur… Notre fils arrêté !… Quelle honte pour la famille !… notre fils mélangé aux malfaiteurs !… Ah ! nous en mourrons de chagrin… Dites, mon bon monsieur, relâchez-le… Il est innocent, nous vous le