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LA VIE DE JÉSUS

CHAPITRE XLVIII

PRODIGIEUX EFFETS DE LA SALIVE DIVINE

S’il avait été aussi roublard qu’il voulait bien le dire, Jésus en serait resté sur son succès auprès des femmes du Trésor ; mais ensuite, se sentant appuyé, il voulut se livrer à un attrapage général de messieurs les Israélites, et cette équipée manqua de lui coûter cher. Il s’en fallut de peu, en effet, que son heure, qui n’était pas encore venue, vînt tout de même.

Il blaguait comme un dentiste de carrefour en train de vanter son élixir. Il s’était placé dans le parvis des Gentils, le plus vaste du Temple. Grisé par ses propres paroles, il se déclara « lumière du monde », disant que tous « ceux qui ne croyaient pas à ses affirmations marchaient dans les ténèbres. »

Deux ou trois auditeurs se mirent à rire.

— Votre témoignage est sans valeur, fit l’un d’eux ; vous vous rendez témoignage à vous-même. D’après la logique la plus élémentaire, pour qu’une affirmation ait quelque portée, il faut qu’elle soit appuyée au moins par deux témoins.

— Soit, répondit Jésus, dont le toupet ne se défrisait pas facilement ; eh bien, j’appuie mon affirmation, cela me fait déjà un témoin en ma faveur.

On haussa les épaules. Il continua :

— Et mon père, qui m’a envoyé, dit la même chose que moi ; voilà donc les deux témoignages demandés.

— Où est-il votre père ? réclama-t-on.

— Ça, c’est mon affaire ; cela ne vous regarde pas. Vous devez me croire sur parole ; si vous me croyez, vous deviendrez des hommes libres.

Ces mots furent accueillis par des murmures : les Juifs étaient effectivement sous la domination romaine ; mais ils n’aimaient pas qu’on leur rappelât leur lâcheté à subir ce joug.

— Pardon, crièrent-ils, nous ne sommes pas des esclaves ! Nous sommes les enfants d’Abraham, nous sommes les fils de Dieu, nous n’avons pas besoin qu’on nous donne des leçons de patriotisme !

Devant ces interpellations, Jésus s’emballa. Il entama un discours furibond qui n’avait ni queue ni tête, s’époumonnant à dire que lui aussi était enfant d’Abraham et fils de Dieu. Il finit même par lâcher cette énormité :

— Je suis plus grand qu’Abraham, votre père, qui est mort.