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LA VIE DE JÉSUS

de garnir d’appendices branchus le front de son mari. Moïse nous a commandé, dans la Loi, de lapider la femme coupable de ce crime. Pour vous, quelle est votre opinion là-dessus ?

Jésus fit semblant de n’avoir pas entendu leur question et même de n’avoir rien vu. Il ne répondit pas. Il se baissa très tranquillement vers la terre et se mit à écrire du doigt sur le sable. Il était impossible de témoigner plus de dédain aux sanhédrites. Il montrait ainsi qu’une vaine occupation, des lettres tracées dans la poussière, sans suite et sans but, lui paraissaient plus digne de ses soins que l’interrogation des docteurs.

Pendant ce temps, ceux d’entre le peuple qui étaient sans pitié pour les femmes adultères, heureux d’entendre invoquer la loi sanglante de Moïse, s’approvisionnaient de grosses pierres aux chantiers voisins et manifestaient des intentions de meurtre. Les sanhédrites feignirent de ne pas comprendre le dédain de Jésus ; ils persistèrent à lui présenter la femme adultère, qui n’en menait pas large, voyant tous les apprêts de son supplice. Une partie de la foule grondait autour d’elle, des bras armés de lourdes pierres se dressaient ; cela n’avait rien de rassurant.

Les sanhédrites insistèrent :

— Eh bien ! seigneur Jésus, que concluez-vous ? Faut-il lapider cette femme, ou ne faut-il pas exécuter la loi de Moïse ?

Jésus était agacé, à la fin. Il se redressa :

— Que celui qui n’a jamais cocufié personne, dit-il, lui jette la première pierre !

Ils se regardèrent tous les uns les autres. Ils étaient fort embarrassés, et il y avait de quoi. En effet, il faut bien le dire à la honte du sexe masculin, les hommes sont toujours très disposés à condamner les femmes adultères ; ils se mettent immédiatement à la place du mari outragé et ne trouvent aucune excuse à l’épouse infidèle. On oublie trop facilement que l’adultère ne peut être consommé sans la participation d’un homme ; on ne se préoccupe pas assez de la culpabilité de l’amant qui vaut bien celle de l’amante. Tel monsieur, qui cocufiera son voisin d’en-face, voudra étrangler sa propre femme s’il la surprend à échanger des billets doux avec son petit cousin ou un frère de lait.

Jésus avait visé juste. Il rappelait tous ces enragés de devoir conjugal au sentiment de la réalité. Vous blâmez les femmes qui succombent, et vous oubliez, ô hommes ! que c’est vous, les trois quarts du temps qui les faites succomber. Voilà ce que signifiait cette phrase inattendue qui avait produit sur les sanhédrites l’effet d’une douche d’eau glacée.

Pour être plus juste, il aurait peut-être mieux fait de dire :

« Allez chercher le complice de cette femme, et lapidez-les ensemble, puisque telle est la loi. » Mais nous savons que Jésus, qui lui-même en faisait porter à Pappus, mari de la Magdeleine, et à Chuza, mari de Joanna, était enclin à l’indulgence envers les épouses légères.