Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/226

Cette page a été validée par deux contributeurs.
224
LA VIE DE JÉSUS

cette semaine de rigolade ; l’essentiel était de ne pas se laisser prendre.

Or, voilà que, précisément la nuit dont nous nous occupons, une femme fut surprise en flagrant délit d’adultère. Pas moyen de nier. Elle avait été pincée avec un jeune galantin dans les bras, tous deux étant dans une posture qui ne permettait aucun doute.

Le mari avait administré une volée à l’amoureux, et il avait envoyé l’épouse infidèle à messieurs du Sanhédrin pour qu’elle fût jugée.

À cette époque, grâce à la civilisation romaine, les femmes adultères en étaient quittes pour une répudiation solennelle de la part des maris cocus. La loi de Moïse, qui ordonnait qu’elles fussent lapidées, était tombée en désuétude ; le divorce seul vengeait les époux offensés.

Rome imposait son code. Aux représentants de César, seuls, appartenait le droit de vie ou de mort, et les gouverneurs et les procurateurs romains ne condamnaient jamais l’épouse infidèle à la peine capitale.

Quand on amena aux sanhédrites la femme adultère, afin de faire prononcer le divorce au profit du mari, un vieux lapin du conseil s’écria en se frottant les mains :

— Mes chers collègues, nous tenons Jésus.

— Comment cela ? interrogèrent les autres.

— Puisque le quidam se mêle d’interpréter la Bible, nous allons joliment l’embarrasser. La loi de Moïse ordonne que la femme adultère soit lapidée. Faisons-le juge du cas présent. S’il est d’avis qu’il faut exécuter la loi de Moïse, il fera un fameux accroc à sa réputation de douceur et donnera un démenti à tous ses discours précédents ; en outre, il se mettra Pilate, le procurateur romain, sur le dos. Si, par contre, il conclut au divorce pur et simple, nous aurons le droit de publier partout qu’il poursuit le renversement des prescriptions de la Bible. Dans un cas comme dans l’autre, il se sera fourré dans le pétrin.

Les sanhédrites applaudirent à cette idée.

Ils se rendirent en toute hâte au parvis du Temple, où Jésus dissertait au milieu de la foule sur les Écritures saintes. Ils traînaient avec eux la malheureuse qui n’avait pas eu l’adresse de cacher les coups de canif qu’elle donnait dans son contrat.

L’assistance s’ouvrit pour laisser passer le cortège.

— Qu’est-ce donc ? demandait-on.

— C’est une femme qui en faisait porter à son mari et qui s’est laissé pincer.

— Elle est ravissante, la pauvre chatte ! Je parie qu’elle a pour époux quelque vieux singe dégoûtant.

— Ça ne fait rien, elle ne devait pas le cocufier.

— Oh ! ce n’est pas une affaire après tout, qu’une peccadille de ce genre !