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LA VIE DE JÉSUS

leur tombait sous le grappin. Mais c’était là un revers de médaille dont nul ne prenait souci, tant l’allégresse était vive.

Partout, ce n’était que chansonnettes joyeuses répondant aux trompettes qui sonnaient sur les terrasses du Temple ; tout juif, en signe de réjouissance, portait une branche de palmier ou quelque rameau chargé de citrons, de pêches et de fruits de la saison. On était d’autant plus heureux que le grand jour de l’expiation précédait immédiatement la fête des Tabernacles, et que tous se regardaient comme purs et affranchis de leurs péchés commis depuis la Pâque.

De toutes parts, on se rendait à Jérusalem.

Quand, dans la bande à Jésus, l’on causa de la solennité qui se préparait, Jean, le joli garçon, s’écria :

— La fête des Tentes ?… J’en suis !

Mais l’Oint calma l’ardeur de son bien-aimé.

— Mon bijou, dit-il, il ne serait pas prudent d’aller nous montrer à Jérusalem. Nous sommes signalés pour tout de bon. On s’empresserait de nous faire un mauvais parti.

Des parents du Christ, qui se baladaient à Capharnaüm, vinrent vers lui et l’engagèrent à se rendre à la fête.

— Nous y allons, déclaraient-ils, faites comme nous. Si vous êtes réellement le grand prophète que vous dites, voilà pour vous la meilleure occasion de déployer en public vos talents. On vous accuse de n’opérer que dans les villages arriérés et les cités de peu d’importance. Manifestez-vous donc devant le peuple entier. Sans quoi, vous donnerez raison à vos ennemis. Quand on se targue d’un pouvoir divin, on n’agit pas en secret, sacrebleu !

— Mon heure n’est pas encore venue, répondit Jésus tout simplement. Pour vous, rien ne vous gêne, allez-y gaiement.

Au fond, Jésus mourait d’envie d’aller à Jérusalem. Il ne parlait ainsi que pour mieux tromper son monde ; car l’Oint ne dédaignait pas de se servir du mensonge.

Il tenait à assister à la fête, mais il voulait demeurer inconnu pendant son séjour dans la ville sainte : il se méfiait des sanhédrites, des pharisiens, des scribes qui, sous le premier prétexte venu, auraient soulevé le peuple contre lui.

Citons l’évangéliste Jean :

« Ses frères ne croyaient pas en lui ; ils lui reprochaient d’agir en secret. Jésus leur dit : Allez, vous autres, à cette fête ; pour moi, je n’y vais pas, parce que mon temps n’est pas encore accompli. Ayant dit ces choses, il demeura en Galilée. Mais, lorsque ses frères furent partis, il alla aussi lui-même à la fête, non pas publiquement, mais en cachette. » (Jean, chap. VII, versets 1-10.)

Il laissa donc partir sa famille sans lui, et tandis que ses frères se rendaient à Jérusalem par les routes qui longent le Jourdain, il tourna par la Samarie avec ses apôtres.

Son départ, au dire de saint Luc, fut d’une tristesse navrante ;