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LA VIE DE JÉSUS

lancer l’effet des maximes immorales qu’elle lui attribue en d’autres passages déjà cités par nous.

Le malheur est que les secrétaires du pigeon, Matthieu, Marc, Luc et Jean, ne nous représentent guère Jésus mettant en action ses rares bonnes paroles. D’une part, il professe des leçons d’honnêteté, invitant ses disciples à respecter les enfants ; d’autre part, il se commet avec des grues, se fait entretenir par elles et se conduit à l’égard du petit Jean avec une intimité affectueuse qui donne fort à réfléchir.

C’est sans doute pour cela que les frères ignorantins ne tiennent aucun compte des paroles de Jésus et se font une règle de l’imiter dans ses actes.

Continuant la conversation, l’Oint déclara à ses apôtres que, chaque fois qu’ils se trouveraient trois réunis ensemble, il serait, lui, au milieu d’eux, quoique sans être vu.

Pierre, s’enhardissant, demanda au Maître quel était le degré d’indulgence que l’on devait avoir pour ses ennemis.

— Les pharisiens, dit-il, pardonnent jusqu’à trois fois l’offense faite par la même personne ; si quelqu’un m’outrage, dois-je lui pardonner jusqu’à sept fois ?

— Il faut lui pardonner, répondit Jésus, jusqu’à septante fois sept fois.

C’est pour cela sans doute qu’il n’est rien de plus rancunier sur terre qu’un prêtre catholique. Si vous voulez avoir un procès, vous n’avez qu’à tarabuster un curé quelconque ; je vous réponds qu’il vous en cuira.

Afin qu’il n’y eût aucune méprise sur sa pensée, Jésus raconta à ses disciples cette parabole :

— Il y avait une fois, dans un pays tout là-bas, un roi qui avait des officiers. Un jour, il fit appeler tous ces officiers et les mit en demeure de régler leurs comptes. Or, voilà qu’il s’en trouva un qui devait au roi dix mille talents[1]. C’était le puissant gouverneur d’une riche province : il percevait au nom du prince les impôts ; seulement, il avait mangé la grenouille. Le roi, d’après la constitution, était en droit de confisquer les biens du gouverneur endetté et même de le faire vendre comme esclave, lui, sa femme et ses enfants. Mais le roi était une bonne pâte d’homme. Il fit grâce au gouverneur et l’invita à faire désormais des économies pour rembourser petit à petit sa dette. Celui-ci sortit donc libre du palais ; mais au moment où il mettait le pied sur la dernière marche du grand escalier, il se rencontra nez à nez avec un bonhomme qui lui devait, à lui, cent deniers[2]. « Ah ! je te tiens ! cria le gouverneur, en se jetant sur le malheureux ; il y a assez longtemps que je te cherche ; rends-moi ce que tu me dois, ou je t’étrangle ! » Et de fait, il lui serrait la vis avec rage. L’infortuné implora la pitié de son créancier, mais le gouverneur fut intraitable ; il s’empara de

  1. Dix mille talents équivalent à cent millions environ de notre monnaie.
  2. Cent deniers font à peu près quatre-vingt francs d’aujourd’hui.