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LA VIE DE JÉSUS

À la fin, ne résistant plus à la fatigue, ils cessèrent leur prière et se couchèrent tout tranquillement sur le sol pour faire un petit somme. Ils ne tardèrent pas à s’endormir.

Or, voici que, tandis qu’ils roupillaient avec un ensemble remarquable, il se passa de bien belles choses sur la montagne.

Jésus se dressa, cessa ses oraisons et s’éleva dans l’espace sans ballon. Oh ! pas trop haut. Seulement à un mètre environ au-dessus du sol. L’enlèvement complet était réservé pour une meilleure occasion. Il se contentait cette fois de demeurer suspendu en l’air, afin de bien prouver qu’il se moquait des lois physiques comme de Colin-Tampon.

En même temps, le ciel s’entr’ouvrit et deux vieux messieurs en descendirent. L’un avait sur le front une belle paire de cornes lumineuses ; c’était Moïse. L’autre était amené par un char enflammé, dans lequel il se pavanait à l’aise comme un poisson dans l’eau ; c’était Élie. Le père Moïse se plaça d’un côté de Jésus, et Élie, quittant sa voiture brûlante, se mit de l’autre.

Puis, tous les trois, ainsi suspendus sans ficelles, à un mètre du terrain, entamèrent une conversation amicale.

— Vous êtes bien aimables, disait le Verbe, d’être venus me rendre visite cette nuit.

— Comment donc ! répliqua Moïse, c’est une politesse que nous vous devions depuis longtemps… Et comment vont vos affaires dans ce monde ? Ça marche-t-il ? Les âmes se convertissent-elles à votre voix ?

— Peuh ! il y en a qui ne se rebiffent pas trop ; mais, au total, il y a du tirage. Ça ne va pas aussi bien que je l’aurais cru.

— À qui le dites-vous ? observa Élie ; ces sacrés israélites sont plus têtus que des mulets d’Arcadie. Je les ai prêchés pour mon compte, des années. Ah ! bien ouiche ! ils étaient plus encroûtés que jamais dans leur impiété, après chacun de mes sermons.

— J’ai eu plus de succès, repartit Moïse ; mais il est juste de dire que je n’ai jamais hésité à employer les grands moyens. Quand mes Hébreux renâclaient, je les faisais passer au fil de l’épée. Il n’y a rien comme un bon massacre pour faire entrer la foi dans les peuples récalcitrants.

— Votre loi, Moïse, fit Jésus, est, permettez-moi de vous le déclarer en ami, une loi un peu trop dure. J’ai pour principe de prendre les mouches avec du miel.

— Oh ! pour ce que cela vous réussit, ce n’est pas la peine d’en parler. Croyez-en ma vieille expérience. Si vous voulez fonder une religion, n’y allez pas en douceur ; sans quoi, vous n’aurez que des avanies.

— Je le sais bien ; mais après !…

— On vous accablera de persécutions, on vous montera des