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LA VIE DE JÉSUS

CHAPITRE V

OÙ JOSEPH, APRÈS L’AVOIR TROUVÉE MAUVAISE, EN PREND SON PARTI

Joseph était un brave homme de charpentier, nous le savons ; mais, malgré son air bonasse, il n’était pas tombé de la dernière pluie, et, de plus, il avait son petit amour-propre.

Quand le blé pousse, c’est qu’on a semé du grain, se disait-il ; et il n’eût pas plus tôt vu sa douce fiancée qu’il ajouta :

— Quelqu’un a marché dans mes plates-bandes !

Et le charpentier « connut dès lors la plus amère des tristesses ».

Rendons-lui cette justice : il n’était pas tout à fait dans son tort. Pouvait-il s’imaginer, lui, bonhomme à l’âme naïve, qu’un pigeon était seul son rival, et que Marie, quoique parfaitement enceinte, était aussi vierge qu’avant l’opération du Saint-Esprit ?

Non, Joseph ne pouvait pas s’imaginer cela.

Mettez à sa place le marguillier le plus crédule ; supposez que le dévot le plus rempli de foi ait été le fiancé de Marion, et qu’au retour d’un voyage de trois mois à Youttah, il ait trouvé la brune enfant dans la situation que vous savez ; je parie cent sous en pièces du pape que notre marguillier dévot se serait fâché peut-être plus fort encore que se fâcha Joseph.

Joseph tenait à avoir une femme pour la surveillance de son pot-au-feu et le raccommodage de ses culottes ; mais il ne poussait pas le désintéressement en matière d’amour conjugal jusqu’à demeurer insensible au ridicule qu’entraîne fatalement avec soi l’état de mari cocu.

Le jour où, venant selon l’usage offrir un bouquet à Marie, il s’aperçut que le ventre de sa fiancée avait pris des proportions inquiétantes, il sursauta en arrière, à en lâcher sa botte de fleurs de lis, et s’écria :

— Palsambleu ! mademoiselle, vous n’avez pas perdu votre temps à enfiler des perles depuis que je n’ai eu le plaisir de vous voir !…

Marie, confuse, baissa la tête.

Père Joachim et mère Anne étaient stupéfaits.

Joseph se tourna alors vers ceux-ci :

— Malepeste ! si vous croyez qu’à présent je m’en vas épouser votre galopine de fille, vous ne ferez pas mal, par la même occasion, d’attendre qu’il pousse des plumes aux abricotiers !…