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LA VIE DE JÉSUS

la journée même que le fils du pigeon était à Capharnaüm, et ils s’empressèrent aussitôt de s’y rendre.

Le lendemain matin, les deux populations réunies supplièrent le Verbe de leur faire un de ces grands discours dont il avait le secret.

Jésus parla donc ; mais, comme on lui demandait de renouveler le miracle de l’avant-veille, c’est-à-dire la multiplication des petits pains et des harengs saurs, il se rebiffa, et mal lui en prit.

— Sapristi ! s’écria-t-il, vous serez donc toujours les mêmes ! Faut-il que vous soyez affamés, pour que vous veniez encore me demander du pain ! Eh bien, je vous en donnerai, mais pas de celui que vous réclamez. Je vous donnerai à manger de moi-même ; car je suis le pain vivant descendu du ciel.

À cette proposition un peu risquée, on le reconnaîtra, les assistants, qui étaient cependant bien disposés en faveur de l’orateur charpentier, murmurèrent.

Celui-ci, au lieu d’expliquer sa pensée, continua sur le même ton :

— Oui, la nourriture que je vous offre, c’est ma chair. En voulez-vous ?

— Non, crièrent mille voix.

— Tant-pis pour vous ! Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit. Vous m’avez vu ressusciter des morts. Or çà, si vous voulez que je vous ressuscite quand vous serez trépassés, il faut que dès à présent vous mangiez ma chair et que vous buviez mon sang !

Cette politesse d’anthropophage n’était pas du goût de l’assemblée. On voulait bien recommencer une dînette de petits pains et de harengs saurs ; mais personne ne se sentait d’humeur à aller mordre dans les biftecks du monsieur.

— Est-ce une parabole que vous nous dites là ? demanda quelqu’un.

— Point du tout. Ma chair est vraiment viande, mon sang est vraiment breuvage ; qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Celui qui me mange vivra en lui par moi (textuel).

Cette fois, la mesure était comble. Toute l’assistance, y compris de nombreux partisans de Jésus qui s’étaient fait inscrire pour figurer parmi ses disciples, toute l’assistance se révolta.

— Assez ! c’est affreux ! il est fou ! cria-t-on.

Et, comme les Bethsaïdois et les Capharnautes ne voulaient aucun mal au Verbe, ils se contentèrent de le laisser tout seul à ses divagations. « Dès lors, dit l’évangéliste Jean, plusieurs de ses disciples se retirèrent de sa suite et ne retournèrent jamais plus avec lui. »

Jésus restait avec ses douze apôtres.

— Et vous, leur demanda-t-il, voulez-vous aussi vous en aller ?