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LA VIE DE JÉSUS

qui depuis longtemps fermente, nous sommes certains du succès. Voyez quelle raclée nous allons administrer aux Romains !

— Avec ça ! répliqua Jésus. Nous aurons contre nous, non seulement les troupes de Rome, mais encore celles d’Hérode et du Sanhédrin.

— Eh bien, vous êtes bien le fils de Dieu, quand le diable y serait ! D’un mot, vous pulvériserez tous nos adversaires, si nombreux qu’ils soient.

— Je ne dis pas le contraire. Seulement, il n’entre pas dans mes projets de me mettre à la tête d’une insurrection.

— Cependant, Rabbi…

— Il n’y a pas de cependant. Je sais ce que j’ai à faire. Puisque vous me reconnaissez pour votre chef, votre devoir est de m’obéir aveuglément. Ainsi, vous allez tout de suite vous embarquer pour Capharnaüm, et ne raisonnons pas !

Les apôtres baissèrent la tête et ne résistèrent plus à la volonté du maître.

Quand ils furent loin, Jésus renvoya la foule, qui s’était de nouveau attachée à lui, et, profitant de l’obscurité, il s’enfuit tout seul sur la montagne.

Pendant ce temps-là une tempête était descendue avec la nuit dans la vallée du Jourdain. Battues des vents, les eaux de la mer de Tibériade s’enflèrent et envahirent la barque des apôtres. La situation était d’autant moins gaie que l’Oint ne se trouvait pas avec eux cette fois.

Ils maudissaient leur sort, essayaient de lutter contre la tourmente, mais en vain. L’ouragan était le plus fort, les vagues emportaient le bateau et le jetaient hors de sa route.

À la quatrième heure de la nuit, ils n’étaient encore qu’à mi-chemin, et le danger était plus grand que jamais.

Tout à coup, ils aperçurent, à peu de distance, quelqu’un qui marchait tranquillement sur les eaux ; on aurait juré que ce personnage se promenait sur la terre ferme, tant ses pas étaient assurés ; une grande lumière l’environnait. C’était Jésus.

Nos apôtres auraient dû se réjouir et penser que le patron venait à leur aide. Pas du tout. Ils furent au comble de l’épouvante et se mirent à pousser de grands cris.

— Ne vous effrayez donc pas, nigauds, dit le Christ. C’est moi.

— Non, non, répondaient les autres, ce n’est pas vous, c’est un fantôme que nous voyons.

— Je vous réitère que c’est moi.

Pierre fut le premier à avoir un peu de confiance.

— Seigneur, fit-il, si c’est vous, commandez que je vienne à vous sur les eaux.

— Viens, Pierre, puisque le cœur t’en dis.

— Vous m’assurez que je n’enfoncerai pas ?

— Je t’en donne ma parole d’honneur.

Pierre aussitôt de sauter hors de la barque pour aller rejoin-