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LA VIE DE JÉSUS

— Pas pour le moment, répondit Jésus ; il ne faut pas abuser des bonnes choses, ce sera pour une autre fois.

— Mais si, mais si ; un miracle ! un miracle !

— Je vous demande grâce ; je suis très fatigué.

— Ce n’est pas fatigant de faire des miracles. Un miracle ! un miracle !

— J’ai besoin du grand air et de la solitude.

— Un miracle ! un miracle !

Jésus les laissa s’époumoner, et, suivi de ses apôtres, gagna une colline des environs. Les gens de Bethsaïde et les pèlerins, qui étaient tenaces, vinrent l’y relancer. Il passa à une deuxième, puis à une troisième colline ; ils s’attachèrent à ses pas, ne le quittant pas d’une semelle.

Alors, en guise de miracle, il leur servit un grand discours de sa façon.

Il fut si éloquent que ses auditeurs oublièrent complètement le motif qui les avait amenés si loin en plein désert De plus, son discours fut d’une longueur interminable. Il parla toute la journée, et personne ne songea à quitter la place pour rentrer dîner à la maison.

Quand il eût terminé son speech, sans avoir pris un seul verre d’eau sucrée (un gosier divin n’est jamais desséché par un sermon, si étendu qu’il soit), le soleil descendait à l’horizon.

C’est alors que les disciples se sentirent pris d’inquiétude pour les estomacs de ces assistants bénévoles.

— Nous sommes jolis ! firent-ils. Nous voici bien avant dans le désert, tous ces braves gens qui nous entourent ont abandonné leur ville, et nous n’avons rien à nous mettre sous la dent.

— Qu’à cela ne tienne, répondit l’Oint ; achetez des pains et distribuez-les à cette foule.

— Acheter du pain ? Où cela, et avec quoi ? Nos porte-monnaie sont à sec, et il n’y a pas un seul boulanger dans les environs. Les boulangers n’ont guère l’habitude de s’établir au milieu des déserts.

— Soit ; mais il n’est guère possible que pas un de ces excellents pèlerins n’ait un morceau de pain dans sa besace,

André grimpa sur une pierre.

— Quelqu’un, dans l’honorable société, aurait-il apporté pour trois sous de pain ? demanda-t-il.

Un jeune garçon s’avança :

— J’ai, dit-il, cinq petits pains et deux poissons.

— Oh ! nous sommes riches ! s’écria Jésus.

— Croyez-vous donc, interrogea André, qu’il y en aura assez pour tout le monde ?

— Donnez toujours et rapportez-vous-en à moi.

Là-dessus, Jésus commanda qu’on invitât la foule à s’asseoir par terre, cinquante par cinquante ; ce qui fut fait.

Puis, il prit les cinq petits pains, les rompit et les donna à ses apôtres, qui les repassèrent au peuple. Il fit de même des