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LA VIE DE JÉSUS

qu’il venait d’accomplir. Tandis que la malade saisissait le bas de sa robe, Jésus éprouva une sorte de commotion, comme un chat à qui on tire des étincelles en lui passant la main à rebrousse-poil : c’était le miracle qui sortait de lui pour passer sur les hémorroïdes de la bonne femme.

Il se retourna alors vers la multitude et dit :

— Quelqu’un m’a touché ; qui est-ce qui m’a touché ?

Pierre de lui répondre :

— Vous êtes bon, vous ! le peuple vous presse, vous accable, et vous demandez : « Qui m’a touché ? » C’est comme si vous vouliez chercher une aiguille dans une botte de foin.

— Je n’ai pas la berlue, poursuivit Jésus : j’ai senti un miracle sortir de moi ; donc, c’est que quelqu’un m’a touché.

Et, parcourant des yeux la foule, il fixa sur celle qu’il avait guérie un de ces regards qui sondent les cœurs et les hémorroïdes. La bonne femme, se voyant découverte et croyant que le grand rebouteur était irrité de ce qu’elle lui avait soutiré un miracle en cachette, se jeta, en larmes et toute tremblante, aux pieds de l’Oint.

— Seigneur ! seigneur ! implorait-elle, ne me remettez pas mes hémorroïdes !

Jésus sourit.

— Allez, bonne femme, dit-il ; je ne suis pas un mauvais diable au fond. Votre guérison a été un carottage ; n’importe, c’est tant mieux pour vous !

En même temps, survinrent les domestiques du papa Jaïre.

— Qu’y a-t-il ? qu’y a-t-il ? demanda l’ange de la synagogue.

— Patron, ce n’est pas la peine que vous dérangiez le sorcier ; votre fille est morte.

Le papa Jaïre tourna vers Jésus un regard de supplication qui signifiait :

— Vous venez d’enlever les hémorroïdes de cette bonne femme ; comme je suis un pékin un peu plus haut placé qu’elle, vous devriez bien accomplir maintenant pour moi un prodige proportionné à ma valeur. Puisque ma fille est définitivement défunte, voilà l’occasion de vous distinguer.

— En route ! commanda Jésus qui avait compris.

On reprit donc la marche vers le domicile du papa Jaïre. Le grand rebouteur et la foule arrivèrent quelque temps après à la maison.

En entrant, Jésus trouva les pleureuses qui étaient déjà à leur besogne. Oh ! elles ne perdaient pas leur temps, ces commerçantes en larmes. À peine un décès était-il signalé, qu’elles arrivaient, sanglotant, à la maison mortuaire. Un trépas de jeune fille leur représentait une journée de lamentations fortement rétribuées.

Elles étaient là, faisant retentir l’habitacle de leurs gémissements intéressés, poussant des clameurs lugubres.