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LA VIE DE JÉSUS

— C’est bien dommage. Mais, moi, je sais ce que je veux dire, et cela me suffit.

Il allait entamer une nouvelle parabole, lorsqu’un vieux bonhomme, le sieur Jaïre, ange de la synagogue de Génésareth, fendit la foule et s’approcha de Jésus.

— Maître, fit-il, vous voyez un père navré. Oh ! oui, il faut que je sois bien navré pour que j’aie pu consentir à me rendre dans une pareille maison ; mais puisqu’il faut aller courir les bouges de ce genre pour vous rencontrer, je me suis résigné. L’important est que je vous aie trouvé. Voici donc ce qui m’amène : j’ai une fille, une fille unique ; elle se meurt, elle est même certainement morte à l’instant où je vous parle. Vous avez un pouvoir miraculeux, à ce qu’on assure. Eh bien ! maître, venez, imposez les mains à ma fille, et, j’en suis convaincu, cela suffira pour la faire revivre.

— À la bonne heure ! s’écria Jésus, au moins voilà un homme qui a confiance en moi ; sa confiance ne sera pas déçue. Allons chez lui, chers apôtres et amis. Nous reviendrons ensuite ici déguster les liqueurs qui doivent terminer notre festin.

Tous les convives se levèrent de table, et, cette escorte, grossie de la foule qui était entrée dans la maison, se rendit au domicile du papa Jaïre.

Les boutiquiers de la ville, voyant passer cette multitude, sortaient de leurs magasins et interrogeaient curieusement les gens du cortège.

— Qu’est-ce que c’est ? demandaient-ils.

— C’est Jésus qui va remettre sur pattes une jeune fille à l’agonie, répondait-on.

La foule augmentait à chaque pas. Le Verbe avait peine à avancer.

Une bonne femme, qui se grattait le derrière, suivait l’escorte, cherchant à s’y faufiler. Petit à petit, tout en marchant, elle réussit à arriver assez près de l’Oint. Quatre ou cinq pas de plus, et elle le touchait. La foule était tassée comme au retour d’un feu d’artifice. Cette bonne femme avait depuis douze ans des hémorroïdes dont elle ne pouvait pas se débarrasser ; l’anus de cette malheureuse était dans un état lamentable. C’est, du moins, l’Évangile qui nous donne ces détails. La pauvre malade, que le livre saint nous représente à Génésareth, manœuvrant dans la foule pour arriver jusqu’à Jésus, est appelée « une hémorroïsse » par les évangélistes. Ce mot ne se trouve dans aucun autre ouvrage ; il n’est employé que dans le Nouveau Testament. Il n’y a pas de doute que, par ce mot, les secrétaires du pigeon n’aient voulu désigner une infortunée affligée de ces tumeurs sanguinolentes dont le siège ordinaire est à l’anus.

Douze ans d’hémorroïdes ! Vous voyez si cette bonne femme souffrait le martyre. Elle se tordait en serrant les fesses et, de temps en temps, se grattait le trou-de-balle avec rage, tant la douleur était atroce.