Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
LA VIE DE JÉSUS

tence à manger et boire avec les publicains et les femmes de mauvaise vie.

— On nous insulte ! clamèrent les gadoues. Jésus, vengez-nous de ces outrages !

Le Messie se tourna vers les pharisiens et, avec un sourire rempli d’ironie :

— Et quand bien même mes compagnons de table seraient ce que vous dites, fit-il, ma présence parmi eux serait parfaitement justifiée. Vous, vous êtes irréprochables, et eux sont des pécheurs endurcis, à vous entendre. Fort bien… Mais puisque je m’intéresse à l’humanité, je dois prendre plus souci des pécheurs que des irréprochables. Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, ce sont les malades.

Un tonnerre de bravos accueillit cette déclaration. Les pharisiens, comprenant qu’ils s’attireraient une mauvaise affaire s’ils insistaient, se turent.

Mais le Verbe n’en avait pas fini avec les admonestations.

Des disciples de Baptiste étaient venus aussi, attirés par le vacarme. Ils interpellèrent à leur tour Jésus.

— Notre maître, dirent-ils, est plongé dans les cachots de Machéronte ; il mange du pain noir et boit de l’eau malsaine ; et vous, son cousin, vous êtes là à faire ripaille !… Vous oubliez donc votre précurseur ?… C’est cependant un grand prophète… Nous, nous le pleurons, nous jeûnons pour imiter ses privations, nous portons son deuil !…

— Nom de nom ! répondit Jésus avec humeur, c’est agaçant, à la fin !… Est-ce ma faute, à moi, si Baptiste s’est bêtement laissé coffrer par Hérode ? Et puis, après tout, Baptiste m’a comparé il y a quelque temps à un époux ; comme époux, il est tout naturel que je sois à la noce ; et, d’autre part, quand l’époux dîne, ses compagnons ne doivent point jeûner… Ils auront bien le temps de se faire de la bile quand ils ne m’auront plus, c’est-à-dire le jour où il m’arrivera quelque anicroche à mon tour.

Et, pour bien accentuer sa conclusion, Alphonse Christ ouvrit son robinet à paraboles.

— Personne, fit-il avec un air malin, personne ne met une pièce de drap non foulé à un vieux vêtement ; autrement, le neuf, rétréci par l’humidité, emporte le vieux, et la déchirure est bien plus grande qu’avant le rapiéçage. De même, on ne met pas le vin nouveau dans des tonneaux vieux ; sans quoi, les tonneaux éclatent et le vin se répand par terre. En outre, si vous vous habituez à boire du vin vieux, vous ne trouverez pas bon le vin nouveau quand on vous en présentera, et vous réclamerez du vin vieux comme étant meilleur…

— Parfait, dit quelqu’un ; mais qu’est-ce que voulez dire par là ?

— Comment ! vous ne comprenez pas l’allusion ?

— Nous ne comprenons rien du tout à ce galimatias.