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LA VIE DE JÉSUS

vous regarde pas !… Apaisez les tempêtes, mais ne m’embêtez point… Vous faites le calme sur les eaux ; moi, je fais cabrioler ce particulier-là : chacun son métier… Êtes-vous donc venu sur terre pour déranger les diablotins dans leurs occupations ?

— Pas tant de discours ! dit Jésus… Esprit immonde, sors de cet homme !

Mais le diable ne voulait pas lâcher sa proie. Il résista un bon moment à la volonté du Christ.

— Saprelotte ! reprit celui-ci, s’adressant toujours au démon ; tu fais bien des manières aujourd’hui pour m’obéir. Serais-tu de nos diables les plus puissants ? Parle, quel est ton nom ?

Tenez-vous à quatre, chers lecteurs. Ce n’était point un diable que ce possédé avait en lui ; c’était tout un régiment de l’Enfer.

— Je m’appelle Légion, déclara la voix du démoniaque ; nous sommes six mille dans ce seul corps.

— Tout s’explique, repartit Jésus, voilà pourquoi la gymnastique de ce possédé est six mille fois plus mouvementée que celle de ses collègues… Eh bien, messieurs les diablotins, quoique vous soyez toute une légion, il faut déguerpir !

L’évangéliste Matthieu affirme qu’alors les six mille diables se firent un mauvais sang inouï.

— Seigneur Dieu ! clamèrent-ils, nous voulons bien quitter le corps de cet homme ; mais qu’allons-nous devenir ? Accordez-nous au moins quelque retraite, ne nous chassez pas de la contrée !

Jésus était de bonne humeur, ce matin-là.

Il avisa un troupeau de cochons qui paissait tout auprès, fouillant le sol de leur grouin, sans doute pour déterrer des truffes.

Avec le coup d’œil sûr et rapide que sa divinité lui valait, il eut, en l’espace d’une seconde, fait le dénombrement exact du troupeau. Les cochons se trouvaient précisément être six mille. Voyez comme cela se rencontrait bien !

Il n’hésita pas.

— Sortez, messieurs les diablotins, commanda-t-il, et allez dans ce troupeau de cochons.

Ce fut une scène impossible à décrire.

Le possédé devint subitement calme comme un cocher de fiacre que l’on a pris à l’heure. Il s’assit sur son derrière et se mit à se nettoyer les ongles, en regardant les apôtres d’un œil placide.

Quant aux cochons, les voilà qui bondirent, se ruèrent les uns sur les autres, en gambadant d’une manière folichonne. Il y en avait qui dansaient sur deux pattes, d’autres qui faisaient l’arbre droit ; et tout cela avec des grognements comiques, dont on ne peut pas avoir une idée. Les uns se roulaient par