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LA VIE DE JÉSUS

— Pourtant, maître…

— Ô gens de peu de foi que vous êtes, pourquoi craignez-vous ? Est-ce qu’il peut vous arriver le moindre désagrément, moi étant dans la barque ?

— Certainement, Rabbi, vous avez raison ; mais l’eau nous envahit, la pompe est impuissante à la rejeter ; avant quatre minutes, le bateau sombrera…

— Il suffit…

Alors, Jésus se leva et adressa au vent de vives remontrances :

— Qu’est-ce que c’est, monsieur le vent ? Vous vous permettez de mugir et de bousculer ce navire pour effrayer mes disciples !… C’est un peu fort… Et qui vous y a donc autorisé ?… Savez-vous que votre conduite est inqualifiable ?… Espèce de vent maudit, je ne sais pas ce qui me retiens de vous infliger une verte correction[1] !

Le vent répondit par un sifflement des plus aigus.

— Allons ! en voilà assez comme cela ! grommela Jésus ; qu’on se taise ! C’est moi, le Verbe, qui l’ordonne !

À ce commandement impérieux, le vent devint muet et cessa de souffler sur la barque.

Jésus se tourna encore vers la mer qui envoyait ses vagues sur le pont, et, les poings sur la hanche, il l’interpella a son tour :

— Mer, dit-il, ce que je viens de dire au vent, tu peux le prendre pour toi. Tes plaisanteries sont d’un goût des plus douteux. Nous ne sommes pas ici pour que tu nous engloutisses… Calme-toi donc immédiatement, ou, sinon, je vas te ficher une claque !

La mer de Tibériade se calma comme par enchantement. Matelots et passagers étaient ravis. Ils murmuraient à voix basse :

— En voilà un à qui il ne faudrait pas marcher sur le pied !… Les vents et les flots lui obéissent… Quel peut être cet homme si puissant ?…

Et, en disant cela, ils avaient une venette atroce. Leur joie d’avoir été sauvés du naufrage ne les empêchait pas de redouter le pouvoir de Jésus. Si, par suite d’un caprice quelconque, Jésus allait les envoyer rebondir dans la lune ?… Pensez-donc !

La traversée s’accomplit désormais sans encombre ; l’eau même, qui était entrée dans le navire, s’en alla comme était venue. Les trous qui existaient à la coque de l’embarcation, se bouchèrent sans doute d’eux-mêmes. Quelles belles choses que les miracles !

Quand on arriva à Gergésa, le jour commençait à poindre. Le patron n’eut garde de réclamer à Jésus et à ses disciples le prix de leur passage : il était trop heureux que, grâce à cet homme

  1. « Alors, il parla au vent avec de grandes menaces. » (Marc, IV, v. 39)