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LA VIE DE JÉSUS

Bref, les désordres qu’elle étala à Magdala furent tels que la célébrité fut son partage, et qu’en parlant de Marie, on ne la désigna plus que sous le sobriquet de « la Magdeleine » ; car, en peu de mois, elle était devenue la maîtresse de tout Magdala.

Quand elle vit Jésus, elle se dit :

— Cré pétard ! faut que je me paie ce garçon-là !

Elle se porta donc partout sur son passage, joua de la prunelle, assista à plusieurs de ses miracles. Bref, elle se trouvait à Naïm lors de l’épisode du fils de la veuve ressuscité, et, ennuyée de ne pas avoir été remarquée, elle se présenta hardiment à l’Oint au festin du pharisien Simon.

Il n’était plus possible, de cette façon, que Jésus ne fit pas attention à elle. Et, par le fait, non seulement le Verbe la remarqua ; mais encore il abandonna complaisamment ses pieds aux chatouilles et aux baisers de la Magdeleine.

Ce que voyant, le pharisien Simon fut profondément scandalisé. Quoi ! un individu qui se faisait passer pour prophète ne se montrait pas plus clairvoyant que ça ! Il se laissait embrasser les arpions par la première femme venue ; il ne se doutait même pas que cette blonde aux embrassements passionnés n’était ni plus ni moins qu’une gadoue !

— Elle est raide, celle-là ! se disait-il dans son for intérieur. Qu’on vienne me raconter maintenant que l’avenir n’a rien de caché pour ce Jésus ! Il devrait commencer par savoir découvrir le présent… De deux choses l’une : ou il voit qu’il a affaire à une prostituée des plus dévergondées, ou il ne le voit pas. S’il ne le voit pas, c’est qu’il n’est pas plus prophète que mes sabots ; et s’il le voit, eh bien, c’est du propre !

Ce que c’est tout de même que de ne pas avoir la foi ! Comme on envisage les choses à un point de vue faux !

Jésus lut très bien dans le cœur de Simon les réflexions que celui-ci se faisait, et il résolut de lui donner une petite leçon, courte, mais sentie.

Après avoir tendu de plus belle son pied à Magdeleine en l’invitant à le chatouiller encore, il se tourna vers le pharisien et lui dit :

— Simon, je désirerai vous pousser deux mots.

— Allez-y, repartit l’amphitryon.

— Un créancier avait deux débiteurs : l’un lui devait cinq cents deniers, et l’autre cinquante. Comme il voyait qu’il aurait toutes les peines du monde à se faire payer, vu que les deux débiteurs tiraient, chacun de son côté, le diable par la queue, il prit le parti d’être généreux. Il dit à l’un et à l’autre : « Mon ami, vous m’êtes redevable d’une certaine somme que vous savez ; mais je tiens à vous obliger tout à fait ; nous passerons l’éponge là-dessus ». Il est évident que chacun des deux débiteurs exulta de joie et se confondit en remerciements. Mais, je vous le demande, Simon, quel est celui qui eut le plus de reconnaissance envers ce créancier magnanime ?