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LA VIE DE JÉSUS

banquetait chez Simon. Les badauds, poussés par la curiosité, se rendirent, sous divers prétextes, à la maison de l’amphitryon. Or, comme cela était dans les mœurs du pays, les serviteurs du pharisien laissèrent entrer qui voulut dans la salle du festin. Les portes étaient grandes ouvertes.

Soudain, une femme, qui s’était mêlée à la foule, réussit à se faufiler auprès du charpentier rebouteur.

Elle était jeune, blonde, jolie et très décolletée. Elle portait à la main un vase d’albâtre rempli de parfums.

Quand elle fut devant Jésus, elle se jeta à ses pieds et brisa le récipient. Les parfums se répandirent. La belle, dénouant alors ses cheveux, les trempa dans l’huile embaumée qu’elle avait répandue sur le parquet et se mit en devoir d’astiquer, avec ce tampon improvisé, les ripatons du Verbe.

Les assistants étaient quelque peu surpris de cet hommage significatif. C’était, d’après les mœurs du temps, une déclaration dans toutes les règles. Simon, le beau premier, ne se méprenait pas sur le caractère de cette manifestation.

Elle huilait, huilait, huilait ; elle frottait, frottait, frottait ; et Jésus trouvait bon ce chatouillement produit à un endroit sensible par les blonds cheveux de la belle.

Mais voilà que la chère petite n’était pas précisément un premier prix de vertu. Elle n’avait jamais été couronnée rosière ni en Judée, ni ailleurs. C’était même une particulière très connue par ses fredaines galantes. Elle se nommait Marie. Elle était mariée, mais il y avait longtemps qu’elle avait envoyé son mari à la balançoire. Cet époux riche en cornes, était un docteur de la loi, appelé Pappus, fils de Juda. La belle lui en avait fait voir de toutes les couleurs.

Dans les premiers jours de sa cocufication, Pappus s’était rebiffé. Il avait témoigné sa jalousie, — tout cela est rapporté par les théologiens catholiques, — en enfermant Marie dans le domicile conjugal.

Je t’en fiche ! Marie lui en faisait porter tout de même. Le jardinier, le cocher, le valet de chambre, le cuisinier, les garçons boulangers qui apportaient le pain, les employés de l’épicier d’en face qui venaient faire solder leurs factures, le concierge, tout lui était bon. Elle était insatiable. Quand ses amoureux étaient à bout, elle soupirait encore.

Un beau matin, profitant d’une courte absence de Pappus, elle s’était esquivée et avait rejoint un jeune officier que, depuis quelque temps, elle avait remarqué de sa fenêtre.

Cet officier était en garnison à Magdala.

Marie changea de ville. L’époux mortifié eut le bon sens de ne pas courir après l’infidèle, et celle-ci, désormais libre d’assouvir ses passions charnelles, ne se gêna pas ; elle leur donna un libre cours.

Les commentateurs pieux reconnaissent sans difficulté que la courtisane, après avoir cocufié son mari, cocufia son amant.