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LA VIE DE JÉSUS

Les baptiseurs ne demandèrent point leur reste. Ils s’empressèrent de filer. La foule qui entourait le Verbe, lui était sympathique ; elle commençait à murmurer contre ces particuliers qui se permettaient d’interroger Jésus sur l’authenticité de ses miracles, qui étaient venus en quelque sorte pour les contrôler. Les uns parlaient de courir après ces malotrus et de leur infliger une correction ; les autres déblatéraient carrément contre Jean-Baptiste lui-même. L’Oint sentit qu’il n’était pas inutile de calmer la colère de ses trop enthousiastes partisans.

— Laissez faire, dit-il, Baptiste n’est pas un mauvais homme au fond. Il est aigri par les embêtements de sa prison ; c’est sa paille humide qui fermente ; voilà tout le secret de l’ambassade qu’il m’a adressée… Mais cela n’empêche pas qu’il soit un prophète… Il m’a annoncé, il m’a traité d’agneau divin ; c’est très gentil, cela ; il faut lui en savoir gré. Je vous conseille donc de ne pas lui faire un crime de ses moments de mauvaise humeur.

Et, comme quelques-uns s’étonnaient de ce langage bénévole, il ajouta :

— Oui, mes amis, c’est comme cela. Il y en a d’autres qui sont bien plus grincheux que ces sacrés disciples de mon cousin : ce sont les pharisiens… Oh ! ceux-là, ils trouvent à redire à tout !… Quand Baptiste s’est mis à se nourrir de sauterelles, ils ont dit qu’il était possédé du démon… De moi qui mange bien et qui boit sec, ils disent que je suis un homme de mauvaise vie, ayant d’ignobles fréquentations… Quoi que l’on fasse, ils éprouvent toujours le besoin de renâcler… Le mieux, croyez-moi, est de ne pas s’inquiéter de tous ces cancans.

Lorsque Baptiste vit revenir ses messagers, il leur posa mille questions.

— Dame ! firent les disciples, on ne peut pas nier qu’il soit le Messie. Il accomplit des miracles et il jacasse à volonté. S’il ne vous délivre pas, s’il ne vous tire pas de cette forteresse, c’est qu’il a du plaisir à vous savoir dans l’embarras. On a bien raison de dire que les parents ne sont jamais dévoués. Supposons que vous soyez un étranger pour Jésus, il se ferait un honneur de vous venir en aide ; mais vous êtes son cousin, et il vous laisse débrouiller tout seul.

— C’est-à-dire qu’il me laisse ne pas me débrouiller du tout.

Là-dessus, Jean-Baptiste, désespéré de se voir ainsi abandonné, s’arracha quatre poignées de cheveux et se cogna la tête contre les murs. (Mathieu, XI, 2-19 ; Luc, VII, 18 35.)