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LA VIE DE JÉSUS

Il allait continuer :

Si vous voulez des prunes,
Montez…

Mais Jésus l’arrêta d’un geste :

— Non, assez, jeune homme ; tout le monde la connaît, votre chanson ; ça finit par :

Si vous voulez des dames.
Montez sur le damier
V’lan !

» C’est assez idiot ce cantique-là, vous le finirez chez vous. Pour le quart d’heure, embrassez votre mère, cette excellente madame Quilledru, et vivez jusqu’à votre second décès.

Le jeune homme était revenu ; mais sa mère n’en revenait pas.

Elle se jeta aux pieds du Christ et baisa le bas de sa tunique sans couture.

Les villageois, eux, au lieu de faire fête au grand fabricant de miracles, eurent un trac épouvantable. « Tous en furent saisis de crainte, dit l’évangéliste Luc ; ils s’écriaient avec frayeur : « Nous avons un prophète parmi nous ! »

Pourquoi cette épouvante ?

Eh ! c’est que ces braves gens étaient logiques.

— S’il ressuscite les morts rien qu’en leur parlant, pensèrent-ils, il peut nous faire trépasser rien qu’en nous décochant un de ses regards.

Ils prirent donc leurs jambes à leur cou et se sauvèrent dans toutes les directions. Un peu plus, il lui auraient envoyé des pommes cuites.

Donnez-vous donc la peine d’accomplir de grands miracles pour obtenir comme résultat une pareille popularité ! (Luc, VII, 11-16).

Le ressuscité se débarrassa de ses bandelettes, en fit un paquet et alla les vendre au kilog, comme vieux papiers ; avec le produit de sa vente, il acheta des éponges pour absorber les larmes des pleureuses, qui, vu qu’elles s’étaient consciencieusement frotté les yeux à l’oignon cru, ne pouvaient parvenir à arrêter le torrent de leurs sanglots.

Quant aux croque-morts, dont la besogne fut interrompue, quant aux fossoyeurs, dont le travail fut décommandé, ils en gardèrent une dent à Jésus ; car il est bien certain que la mère Quilledru se refusa à payer un ouvrage à moitié fait et dépourvu de toute utilité. Il y eut sans doute procès pour le règlement de la facture des obsèques ; mais j’ignore qui le perdit.