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LA VIE DE JÉSUS

— C’est, répondirent, les gens du village, le fils Quilledru qui s’est laissé mourir hier. Une bien mauvaise idée qu’il a eue là ! Il était le fils unique de la mère Quilledru. Pauvre femme ! elle n’a plus aucun soutien maintenant, vu qu’elle est veuve.

Un des apôtres s’approcha du Verbe et lui dit à l’oreille :

— N’y aurait-il pas moyen de faire ici quelque grand miracle ? Voilà qui accroîtrait singulièrement votre renommée.

— J’y pensais, répliqua Jésus.

En effet, le Rabbi réfléchissait. Jusqu’alors il avait guéri des malades et expulsé les démons des corps de quelques possédés. Ressusciter un cadavre était tentant. Qui pourrait nier désormais sa puissance, une fois qu’il aurait exécuté un tour de cette force ?

Jésus fit à ses apôtres un clignement d’œil significatif.

Ceux-ci, qui s’étaient mêlés à la foule, excitèrent les villageois à demander le miracle.

— Ce grand châtain-clair, disaient-ils, est un prophète de premier acabit. Si ça lui convient, il peut ressusciter votre mort.

Et les villageois de s’écrier :

— Rabbi, rabbi, ayez pitié de la pauvre veuve ! Le cortège s’arrêta. Le charpentier rebouteur alla droit à la mère Quilledru.

— Bonne femme, lui dit-il, ne pleurez donc pas tant.

— Ah ! monsieur, il était si bon, si honnête, si rangé !… Que vais-je devenir, maintenant qu’il est mort ? Voyez-vous, monsieur, il n’avait pas son pareil sur terre ; il était le bâton de ma vieillesse… Hélas ! hélas ! à présent je n’ai plus de bâton !…

— Ne pleurez pas, vous dis-je.

— Hélas ! monsieur, cela est facile à dire ; mais mon affliction est immense… Ah ! mon fils, mon fils chéri, mon bâton de vieillesse, je l’ai perdu !…

Les joueurs de flûte et les pleureuses se taisaient. Les villageois se chuchotaient les uns aux autres :

— Est-il réellement prophète ?

— Il n’en a pas l’air.

— Que si ! remarquez son œil inspiré. Il va ressusciter le mort.

— Pas tant que ça ! Il ne ressuscitera rien du tout !

— Ressuscitera !

— Ressuscitera pas !

— Deux sous qu’il ressuscitera I

— Quatre sous qu’il ne ressuscitera pas !

Ceux qui trouvaient à Jésus l’air prophète s’attendaient à le voir manœuvrer comme Élie et Élisée, vu qu’il y a un rituel pour la résurrection des morts. Lisez la Bible ; pour rendre la vie à un mort, il faut que le prophète se couche tout de son long à côté du cadavre, qu’il lui ouvre la bouche et qu’il y souffle de toutes ses forces à plusieurs reprises. Les villageois furent