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LA VIE DE JÉSUS

— La loi de Moïse vous dit encore : « N’invoquez jamais le nom de Dieu en vain. » Ça, c’est bien ; mais ce n’est toujours pas suffisant. Que font les malins quand ils veulent fourrer leur monde dedans ? Ils font leur serment sur la Bible, sur le Temple, sur la cité sainte de Jérusalem ; on s’imagine que c’est sérieux, que ça va tenir. Je t’en fiche ! une fois le serment juré de la sorte, ils ne le tiennent pas. Entre nous, c’est de la haute fumisterie, cela. On ne doit jurer sur rien du tout. Vous n’avez pas même le droit de jurer sur votre tête, vu que vous n’avez pas le pouvoir de rendre un seul de vos cheveux blanc ou noir, à moins d’y mettre de la teinture. Quand on vous demandera un renseignement quelconque, dites simplement : « C’est ceci », ou : « C’est cela », et si on ne vous croit pas sur parole, et si on vous demande un serment, répondez : « Zut ! »

» Et la loi du talion, voilà qui est cruel. « Œil pour œil, dent pour dent », commande Moïse. Ma foi, je ne suis pas de cet avis. Il est un million de fois plus beau d’accepter toutes les méchancetés. Une supposition : un ennemi vient sur vous dans la rue, vous marche sur le pied et vous donne une giffle ; au lieu de la lui rendre, tendez-lui l’autre joue ; c’est votre ennemi qui sera bien attrapé ! Si quelqu’un ayant envie de votre tunique, vous intente un procès pour l’avoir, dites-lui : « Ma tunique vous plaît ? la voilà, et par dessus le marché, je vous fais cadeau de mon manteau. » Vous en serez quitte pour aller en chemise ; l’été, on est plus au frais. S’il prend à un particulier la fantaisie saugrenue de vous obliger à faire avec lui mille pas, répondez-lui : « Comment donc ? Non seulement nous allons faire ensemble les mille pas que vous désirez ; mais encore nous en ferons après deux mille autres ! »

» Moïse veut que l’on aime son prochain et que l’on haïsse son ennemi. Cela me paraît bien baroque. Mettons que l’on doit aimer qui vous fait du mal. Un individu vous persécute, vous calomnie, aimez-le comme votre meilleur ami. Ce sera neuf.

» Et les aumônes ? Voilà une question délicate. Les hypocrites, eux, ne peuvent pas donner un sou, sans se faire précéder d’une trompette qui sonne leurs bienfaits. Pas de ça chez nous ! S’il nous arrive jamais de rendre service à un malheureux, agissons en secret ; que notre main gauche ne sache pas ce qu’aura fait notre main droite.

— Pardon, dut observer Simon-Caillou. Ce précepte est très beau ; mais quand l’appliquerons-nous ? Jusqu’à présent, c’est toujours nous qui avons demandé l’aumône aux autres, et comme notre métier actuel est loin d’être lucratif, je ne vois pas trop le moment où nous pourrons exercer notre générosité d’une manière discrète.

— Cela ne fait rien, répliqua sans doute le Verbe ; puisque je vous prêche, il faut bien que je dise quelque chose !

Ce court colloque n’est pas rapporté par l’Évangile, et cela est vraiment regrettable. Il y a néanmoins probabilité qu’il a été