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LA VIE DE JÉSUS

Quant aux miracles, on n’en a jamais plus entendu parler. De nos jours, les malades du pays vont se faire soigner ailleurs et considéreraient comme du temps perdu celui qu’ils passeraient à attendre qu’un ange vienne remuer les eaux de la piscine. En effet, les anges maintenant ne se dérangent plus. Et si, vous, madame, qui me lisez, vous demandiez à votre ange gardien de vouloir bien presser le petit sac de son dans votre baignoire, il vous rirait au nez. Ces êtres célestes, jadis si empressés pour les humains, n’ont plus à présent envers eux aucune complaisance. C’est désolant.

Autre était le bon vieux temps de la Bible et de l’Évangile.

Les miracles s’y constataient à profusion ; à tel point que les directeurs de la piscine de Béthesda auraient pu placarder, à la porte de leur établissement, des certificats dans le genre de ceux-ci :

 
miracle no 127

J’avais perdu un bras dans la dernière campagne d’Illyrie. L’ayant cherché longtemps sur le champ de bataille et ne pouvant le retrouver, je promis par la voie des journaux une récompense honnête à qui me le rapporterait ; ce fut en vain, mon bras était définitivement perdu. J’en fis donc mon deuil : mais ce deuil ne se passa pas sans de nombreuses larmes ; car, étant affligé d’une belle-mère très acariâtre, je ne pouvais plus songer, ne possédant qu’un seul bras, à l’étrangler.

Sur ces entrefaites, j’entendis parler avantageusement de la piscine de Béthesda. Je me rendis en toute hâte à Jérusalem et pénétrai dans l’établissement de la porte des Brebis.

Un mois durant, j’ai établi mon gîte au bord même du bassin, attendant avec impatience le moment où l’ange du ciel remuerait la surface de l’eau. Ce moment béni est enfin arrivé, un lundi matin à dix heures et quart. Avec l’agilité qui me caractérise, je me suis précipité dans la piscine, avant tous les autres invalides qui attendaient comme moi, et, en sortant de l’onde merveilleuse, j’ai constaté avec une satisfaction réelle que mon bras absent m’était revenu ; seulement, il mesurait huit coudées de longueur.

Dans les débuts, cela me gênait un peu, je l’avoue ; mais, à la longue, je m’y suis fait, et ce bras extraordinaire me rend aujourd’hui les plus grands services. Quand j’ai une démangeaison à la cheville, je puis me gratter le pied sans me baisser. Dans la rue, lorsque je passe, je caresse amicalement de ma main le menton des jolies blondes qui prennent l’air à la fenêtre. Quand je vais au théâtre, je me mets à la queue comme tout le monde ; mais, grâce à mon bras long que je présente au guichet, je prends mon billet avant mon tour.

Il n’y a qu’une chose qui est un peu vexante : c’est lorsque je laisse pendre mon bras. À tout instant, je crois mettre le pied