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LA VIE DE JÉSUS

bonne pêche avec un temps comme aujourd’hui ? Mille pétards ! c’est là ce qui peut s’appeler un fameux miracle !

Pendant qu’il y était, Jésus aurait bien dû éclairer les disciples de ses célestes lumières et ne pas attendre la Pentecôte (c’est-à-dire après sa mort) pour les inonder de la divine intelligence.

En effet, les apôtres apprirent à Bethsaïde qu’ils allaient devenir des « pêcheurs d’hommes » ; mais les commentateurs catholiques s’accordent à reconnaître que Pierre et ses camarades ne comprirent pas du tout ce que Jésus avait voulu leur dire.

Il a fallu saint Ambroise, qui vivait aux premiers siècles de l’ère chrétienne, pour expliquer le passage de l’évangéliste Luc.

« Jésus, affirme ce père de l’Église, avait accompli la pêche miraculeuse pour montrer à ses apôtres combien serait grand le pouvoir qu’il leur conférait sur les âmes. Ce prodige figurait leur ministère ; désormais, il leur fallait quitter le lac de Génésareth pour la mer du monde, vivre dans un labeur et un trouble continuels, sur des ondes agitées au souffle des passions. Mais, si leur emploi, de paisible devenait redoutable, par un juste retour, les plus beaux prix leur étaient assurés ; ils changeaient leur métier pour une mission céleste, leurs grossiers engins pour les filets de l’Évangile, qui ne tuent point ce qu’ils prennent, mais le conservent, et amènent à la lumière ce qu’ils tirent du fond de l’abîme. » (Saint Ambroise, In Lucam, liv. IV.)

Voilà en quoi consiste la profession de pêcheur d’hommes. Ainsi, M. le curé de votre paroisse, chers lecteurs, est un pêcheur d’hommes. Il se sert des filets de l’Évangile. Quand il vous débite un prône idiot et qu’il s’embrouille dans son latin de cuisine, il vous tire du fond de l’abîme et vous amène à la lumière ; vous êtes le poisson.

Le malheur est que saint Ambroise s’est quelque peu fourré le doigt dans l’œil en parlant des brillantes destinées que Jésus avait réservées à ses apôtres. En réalité, ils finirent tous très mal. Des six disciples qui assistèrent à la pêche miraculeuse, cinq furent condamnés à mort par les tribunaux et exécutés comme de vulgaires Tropmann ; le sixième, Jean le bien-aimé, mourut fou.

Quoi qu’il en soit, si nos six gaillards ne comprirent pas au juste ce que le Maître entendait par cette nouvelle profession de pêcheurs d’hommes, du moins leur effroi fit place à la confiance : ils ne prièrent plus Jésus de s’éloigner ; au contraire, ils quittèrent définitivement tout pour le suivre.

Entouré de ses compagnons, l’Oint parcourut toute la Galilée, enseignant de plus belle dans les synagogues, prêchant « la bonne nouvelle », et guérissant toute maladie et toute infirmité parmi le peuple (Matthieu, chap. IV, verset 23).