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LA VIE DE JÉSUS

— Ça y est, firent-ils donc tous ensemble. Embarquons.

Une demi-heure après, ils étaient tout à fait au large. Une fraîche brise soufflait et caressait la surface du lac.

— Allons ! mes amis, commanda l’Oint, jetez les filets.

Nos pêcheurs de chiens crevés faisaient peine à voir. Ils obéirent au Maître, en hommes certains d’accomplir une bien inutile besogne.

Grande fut leur surprise, quand, ramenant les nasses, ils constatèrent qu’elles étaient pleines de poissons.

— Ah çà ! que me disiez-vous ? observa Jésus ; le temps, à votre avis, n’est pas à la pêche ; je crois, au contraire, que les coups de filet vont être joliment productifs.

Les apôtres n’en revenaient guère. Ils mirent le poisson dans la barque et recommencèrent leur manège. Le filet revint encore plein ; à chaque maille il y avait un poisson pris ; les réseaux se rompaient.

Des pêcheurs passaient à quelque distance, revenant bredouilles ; ils les appelèrent à leur aide. On se mit ensemble à la besogne, et, au bout d’un quart d’heure, les deux bateaux étaient remplis de telle sorte qu’ils étaient presque submergés.

Ce fut une révélation pour les apôtres. Ils se jetèrent aux genoux du Christ.

— Maître, dit Simon-Caillou parlant au nom de tous ; vous êtes vraiment le Seigneur tout-puissant ; retirez-vous de nous, car nous ne sommes que de simples pêcheurs.

Ce langage paraîtra sans doute étrange. Il semble que les disciples auraient dû être enchantés d’avoir parmi eux un particulier si apte à accomplir des prodiges. Pas du tout, ils étaient épouvantés.

Pour comprendre cela, il est bon de savoir que les Juifs avaient dans l’idée que l’homme à qui Dieu apparaissait avait beaucoup de chance de ne pas survivre longtemps à cette révélation. La plus vive terreur s’empara donc de Pierre, des fils de Zébédée et des autres.

Jésus fut obligé de les rassurer.

— Ne craignez point, dit-il.

Puis, faisant allusion à la pêche manquée de tantôt, il ajouta :

— Puisque sans mon concours vous n’êtes pas habiles à prendre le poisson, je change dès aujourd’hui votre profession ; désormais vous serez pêcheurs d’hommes[1].

Là-dessus, ils regagnèrent le rivage.

Qui fut littéralement épaté en les voyant revenir avec pareille charge ? ce fut le père Zébédée.

— Pour le coup, exclama-t-il, celle-là est forte ! Vous avez eu

  1. La fable de la pêche miraculeuse se trouve dans un seul des quatre évangélistes : Luc, chap. V, versets 1 à 11, ce qui est bien regrettable. Un pareil prodige devrait être rapporté par tous.