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LA VIE DE JÉSUS

murmurait-il entre ses dents. Les nigauds ! ils ne veulent pas me croire ; ils vont s’esquinter toute la nuit, et, s’ils rapportent quelque chose, je veux bien être pendu.

Au loin, on entendait les six camarades qui chantaient à pleine voix une chanson de canotiers.

Quelques minutes après, on démarrait l’ancre, et vogue la barque !

Mais le père Zébédée, vieux finaud, avait prédit juste.

Ils avaient beau jeter leurs nasses au plus profond qu’ils pouvaient, ils ne ramenaient rien. Ils allèrent au large et firent la traîne à toutes voiles ; rien. Ils revinrent près du rivage et descendirent leurs filets de manière à racler le lit du lac ; rien.

Si, pourtant. À force de racler les profondeurs avoisinant les bords, ils ramenèrent, non pas du poisson, mais des vieilles marmites, des coiffes et loques hors d’usage, un ou deux chiens crevés et toute une collection de pots-de-chambre détériorés.

Le soleil, en se levant, les trouva harassés, moulus, brisés, rompus. Et pas le plus petit goujon dans la nacelle !

Ils se regardaient, piteux, confus, navrés.

— Quelle veste ! grogna le grand Jacques.

— Ce sacré papa Zébédée s’y connaît tout de même mieux que nous, ajouta Philippe.

— Oui, pour la pêche, à lui le pompon ! dit le petit Jean.

— C’est égal, repartit Simon-Caillou, c’est le maître qui va nous blaguer, quand il saura que nous avons passé toute une nuit pour pêcher une matelote de chiens crevés !

Précisément, au moment où ils échangeaient ces lamentables observations, Jésus parut à quelques pas sur la grève, venant à eux.

— Pincés ! fit André. Gare à la tuile !

Jésus s’approcha.

— Tiens ! demanda-t-il, est-ce que le goût de la pêche vous a repris ?

— Le goût, répondit Simon-Caillou, visiblement embarrassé, ce n’est pas le goût qui nous reprend. Nous avons pensé à faire une promenade en mer cette nuit pour profiter du beau temps. Alors, par la même occasion, nous avons jeté les filets… Oh ! nous ne comptions rien amener… C’était histoire de rire… La mer n’était pas bonne pour la pêche…

— Oui, je vois cela, répliqua Jésus d’un ton goguenard. En fait de poissons, vous n’avez pêché que des chiffons et de la vieille vaisselle… Cependant, ne vous trompez-vous pas ?… Êtes-vous allés aux bons endroits ?… Avez-vous gagné le large et fait la traîne ?…

— Que si ! que si !… Toujours histoire de rire, bien entendu.

— Et vous n’avez pas eu de succès ?… C’est bien étrange !… Je gagerais, moi, que le poisson doit être aujourd’hui tout disposé à se laisser prendre.