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LA VIE DE JÉSUS

— Enlevez-le ! enlevez-le !

On se précipita sur lui, on l’arracha de l’estrade, on le fit sortir de la synagogue avec force torgnoles.

Jésus reçut tous les horions.

Il riait dans sa barbe ; à chaque coup de poing ou coup de pied qui lui était allongé, il se murmurait à voix basse :

— Allez-y, mes chers compatriotes, tapez dur ! c’est tout à l’heure que vous allez être épatés !

Les autres le bousculaient ferme, ne sachant pas ce qui se préparait : ils le poussaient devant eux, avec bourrades et renfoncements à la clef, et ils le conduisirent ainsi jusqu’en haut d’une montagne qui était hors de la ville et la dominait. Au sommet de cette montagne se trouvait un précipice ; nos mécréants comptaient faire exécuter au charpentier un saut de belle hauteur.

Mais quand ils furent arrivés au bord du précipice, Jésus, mettant subitement en action sa divinité, les écarta, passa au milieu d’eux et se retira. (Luc, chap. IV, vers. 15-30).

Les Nazaréens en restèrent bleus. Seulement, ils étaient si mal disposés pour Jésus que, malgré le miracle, pas un d’entre eux ne se convertit.

Le fils du pigeon, lui, s’en retourna, le cœur rempli de tristesse. Il aurait pu être fier d’avoir donné à ses compatriotes incrédules cette preuve indiscutable de sa force ; au contraire, il ne pensa à cette aventure que pour envisager le camouflet qu’il avait reçu à la synagogue.

Quoi ! lui, dieu et tiers de dieu tout à la fois, il avait accordé à Nazareth l’honneur de le compter plus de vingt ans parmi ses habitants, et c’était de la sorte qu’on le recevait !…

Il prenait la peine d’expliquer aux fidèles que les prédictions d’Isaïe étaient réalisées, et, dès les premiers mots de son discours, on l’accueillait par d’unanimes sifflets, comme un ténor qui chante faux !…

C’était vexant pour son amour-propre.

Quant aux apôtres, ils n’avaient guère brillé pendant toute la bagarre. L’Évangile ne relate pas qu’un seul d’entre eux se soit montré et se soit opposé à la conduite au précipice.

Dès qu’ils avaient vu que cela tournait mal, ils s’étaient tenus cois.

Ils ne furent donc pas les moins surpris de voir leur chef revenir sain et sauf de la montagne.

Et, si Jésus leur demanda : — Où diable étiez-vous passés ? — sans doute, ils répondirent qu’ils avaient bien fait tout leur possible pour empêcher le Maître d’être mis en capilotade, mais que leurs efforts s’étaient brisés contre la colère de la foule, et que… etc., etc.