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Je pense que vous voilà fixé. Vous ne m’accuserez pas d’être un fantaisiste.

Ces tickets — je communiquerai le mien aux incrédules qui voudront le voir — ont été imaginés par les cléricaux, hommes de ressource et à l’esprit inventif, pour les malades spécialement.

Vous avez un parent malade ; vous désirez qu’il ait sa place en paradis : rien de plus facile. Vous achetez à son intention une carte à l’éditeur pontifical ou chez un de ses libraires correspondants. Voilà toute la malice. Cela ne vous coûte que vingt sous.

Et, pour qu’il n’y ait aucune erreur possible, la carte en question, sur papier-carton, porte ces mots bien significatifs :


BILLET D’ENTRÉE POUR LE CIEL


Au milieu, artistement gravé, se trouve un dessin entouré d’un cercle qui porte au bas : M et A entrelacés, et au sommet : J H S, sans doute la marque de fabrique. Le dessin représente une main tenant un scapulaire, des rubans et une grande croix entourée de croix minuscules ; probablement une croix qui a fait des petits.

Au-dessous du sceau, ces trois mots : Je le tiens !

C’est simple, mais cela dit tout.

Ledit billet d’entrée, au surplus, est inclus dans une image ornée de dessins pieux et de rappliques qui servent à l’enfermer. Bien entendu, le ticket forme une carte absolument à part, détachée de l’image et simulant très-bien un billet de théâtre.

Tout cela est fort ingénieux ; mais, depuis que j’ai acheté pour vingt sous ma place en paradis, je suis à me demander ceci :

— « Je suis sûr d’entrer au ciel maintenant, puisque j’ai mon billet ; mais, puisque ici-bas on vend des cartes, qui sait si là-haut on délivre des contremarques ? »