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et de quatre Ottomanes. Et pourtant Clairon est d’une dévotion véritablement édifiante ! Ceci dit pour les obligations du Grand-Turc, et non au sujet des quadrilles de l’anse du panier, lesquels sont légitimement autorisés par saint Loyola sous le nom de « compensations occultes ».

Donc, Clairon possède quatre Ottomanes ; quand elle les a achetées, ç’a été dans l’espoir de gagner le gros lot de six cent mille francs. Enlever plus d’un demi-million aux sectateurs de Mahomet, quelle œuvre pie !…

Or, la dévote Clairon, en vieille fille au courant des propriétés particulières de chaque saint, avait installé, dans une niche tapissée de papier bleu constellé d’étoiles jaune d’or, une magnifique statue de saint Joseph, fabriquée d’une sorte de pâte graisseuse d’un blanc grisaille, matière dont j’ai complètement oublié le nom (qui finit en ine, comme « stéarine ») et qui contient pour le moins autant de suif de chandelle que de carton mâché. Personne n’ignore que saint Joseph a deux spécialités : faire marcher les affaires et procurer de bons numéros à la conscription. Clairon n’avait pas chez elle l’époux de la Vierge Marie pour obtenir, à l’occasion, les faveurs du tirage au sort, puisqu’elle n’appartient pas au sexe qui paie l’impôt du sang. C’était donc pour l’autre motif. Ajoutons pourtant, en toute justice, que, chez l’ancienne cuisinière, saint Joseph se trouvait en bonne compagnie ; il y avait là, chacun sur sa petite étagère, sainte Barbe qui préserve de la foudre, saint Antoine qui fait retrouver les objets perdus, saint Dominique qui guérit les cors aux pieds, saint Christophe qui empêche les tremblements de terre, saint Justinien qui éteint les feux de cheminée, sainte Monique qui facilite les digestions, et saint Jérôme qui éloigne les mauvaises pensées ; en revanche, pas la moindre trace de saint François Régis qui, chacun le sait, procure à ses ferventes solliciteuses la rotondité abdominale qui est le fait des femmes enceintes. Clairon, célibataire obstinée, n’avait nul souci de ce saint-là. Mais pour saint Joseph, quels soins ! quelles prévenances ! Jamais habitant du Paradis ne fut autant choyé et dorloté.

Il est vrai que, de son côté, saint Joseph était pour Clairon, de la Mulatière, le plus efficace des protecteurs. Ainsi, un jour que la pieuse fille avait eu un procès-verbal pour pail-