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loin ; on leur dit d’aller prêcher l’Évangile aux idolâtres, et ce sont ces pauvres diables qui paient les pots cassés par les autres et sur le dos desquels les différents ordres noirs se font la magnifique réclame qui défie toute concurrence et qui s’appelle « le martyre ».

3. Quant aux missionnaires qui ne sont pas sacrifiés par la Compagnie, quant à ceux que le Gésu envoie au bout du monde, mais qui en reviennent, ce sont ceux qui font marcher le commerce de l’ordre et qui en rapportent de jolis bénéfices. Ceux-là s’exposent le moins possible. Ce sont eux qui volent aux Chinois leurs petits enfants. Le coup fait, ils filent prestement du pays, retournent en Europe et viennent montrer aux fidèles badauds ces pauvres chérubins qu’ils ont, disent-ils, arrachés aux griffes de Satan. Les vieilles dévotes, les marguilliers gâteux pleurent d’attendrissement devant le dévoûment de ces bons Pères qui ont sauvé ces petits anges à la fois des flammes de l’enfer et de la dent des cochons. Pour peu que le boniment soit bien fait, pour peu que l’enfant ait été volé jeune et répète convenablement les réponses qu’il a apprises par cœur, les pièces de cent sous pleuvent dans l’escarcelle jésuitique, et les bonnes âmes, s’intéressent au sort des infortunés petits Chinois, ouvrent leurs bourses et leurs caisses, afin que les bons Pères aillent à Pékin en racheter le plus grand nombre possible.

Êtes-vous édifié maintenant, ami lecteur ? Comprenez-vous dans quel but les infâmes jésuites ont échafaudé légendes sur légendes, mensonges sur mensonges ? Au retour de leurs missions, au bout de toutes leurs calomnies, il y a de belles pièces d’argent ou d’or qui brillent, étincelantes, seule divinité que ces maîtres exploiteurs reconnaissent et devant laquelle ils se jettent à deux genoux.

Voilà pourquoi je n’éprouve jamais le moindre sentiment de pitié quand j’apprends que les Chinois ont écharpé quelques missionnaires. On a beau me dépeindre le massacre de ces Révérends Pères de la façon la plus touchante : instinctivement, je me demande quelle est la somme d’infamies qui est cachée derrière ces glorieuses palmes du martyre.

Fallait pas qu’y aille ! répondrai-je toujours à qui viendra me raconter les persécutions dont tel ou tel évêque a été victime en Chine ou ailleurs.