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UN DIVORCE

peu. Car c’est trop cruel de brutaliser de pauvres bêtes aimantes comme cela.

— On se rendrait la vie insupportable, à ce compte.

— Non ; s’il y a du désagrément, il y a bien plus de joie de voir toutes ces bonnes créatures tournées vers vous et qu’on peut rendre heureuses par une caresse.

Étienne éclata de rire.

— Vraiment, tu prends trop au sérieux l’amour des bêtes, mon enfant.

— Et pourquoi donc ? répondit-elle de sa voix émue. Tout ce qui aime ne mérite-t-il pas d’être aimé ? Moi, je ne sais rien de plus précieux dans le monde que l’affection, partout où elle se trouve.

— Même chez les poules et les canards ? dit-il, railleur.

— Si petite qu’elle soit, mon cousin, c’est toujours elle. On recueille bien la poudre d’or.

Après les bâtiments de la ferme, en allant vers les champs, on rencontrait une petite maison isolée, entourée d’un jardin. C’était un gîte pauvre, au toit bas, aux murs non crépis de pierre de molasse, rongée par le temps et par la pluie, mais que l’humble goût de ses habitants avait décorée de riches guirlandes de mais doré, suspendues sous l’auvent du toit.

On rencontrait aussi parmi les salades et les choux du jardinet le luxe d’œillets parfumés et de belles giroflées rouges. Mais le goût ou plutôt le moyen des habitants n’allait sans doute pas jusqu’à se parer eux-mêmes ; car tout près de la haie qui séparait du chemin ce petit enclos, se tenait une vieille femme, salement vêtue, à figure maigre et bourgeonnée, qui sarclait.

— Bonjour, mère Vionnaz, lui dit Anna en passant près d’elle. Comment allez-vous ce soir ?